Trop d’écoles boudent le programme de prévention des dépendances, selon des intervenants

Trop d’écoles boudent le programme de prévention des dépendances, selon des intervenants

Et l'argent du cannabis de la SQDC? Les fonds de la Société québécoise du cannabis
[100 millions de dollars]
devraient aller totalement en prévention dans les écoles...
Et pourtant, 50 % de cette enveloppe
va au ministère de la Sécurité publique et à la Justice.
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Des adolescents sont assis à leur pupitre dans une classe d'une école
secondaire.
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Une classe dans une école secondaire (Photo d'archives)

PHOTO : RADIO-CANADA

Mathias Marchal (Consulter le profil)
Mathias Marchal
Publié le 18 février à 18 h 08 HAE
Même si Québec dépense 15 millions de dollars par année pour offrir des
séances de prévention de la toxicomanie dans les écoles secondaires, environ
une école sur huit n’offre pas ce service, selon un rapport récent, et ce,
malgré les dangers liés à la crise des opioïdes qui frappe tout le pays.

Je peux vous confirmer que certaines écoles n’ont pas de services en
prévention, et ça, ce n’est pas acceptable comme situation, a déclaré en
entrevue à Radio-Canada Vincent Marcoux, directeur général de l’Association
québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID), à l’origine du
rapport.

L’AQCID se félicite tout de même du déploiement de ce programme, créé en
2019, qui a permis de sensibiliser 364 000 élèves du secondaire lors de près
de 16 000 ateliers. Des intervenants spécialisés se déplacent à raison d’une
à cinq fois par semaine pour rencontrer les élèves, dialoguer à ce sujet et
établir des liens de confiance avec eux.

Vincent Marcoux répond aux questions d'un journaliste.
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Vincent Marcoux est le directeur général de l'Association québécoise des
centres d'intervention en dépendance.

PHOTO : RADIO-CANADA

Au terme d'un sondage mené sur une période de trois semaines auprès de
divers intervenants au Québec, l'AQCID a dénombré 93 écoles qui n'offrent
pas ce service de prévention. En extrapolant à partir des écoles qui n’ont
pas répondu au sondage, l’Association a calculé que 20 % des établissements
ne participent pas à ce programme.

Au sein de notre organisme, on n’a pas de refus de la part des écoles, mais
plutôt des inconforts ou des questionnements face à l’intervention. C’est un
sujet encore très tabou, souligne Marie-Ève Duquette, coordonnatrice
clinique chez Cumulus, qui intervient dans environ 70 milieux sur l’île de
Montréal.

Il y a encore des gens qui pensent que le fait de parler de consommation, c’est
comme si on [y] adhérait.

Une citation deMarie-Ève Duquette, coordonnatrice clinique chez Cumulus
Pourtant, ce type de formation permet de sauver des vies. Parlez-en à Thomas
Roberge, 16 ans, qui étudie dans un collège privé de Granby. À la fin de
janvier, il avait eu la bonne idée de prendre une trousse gratuite de
naloxone à la pharmacie avant de se rendre à un party, « juste au cas où ».

Une trousse de naloxone.
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La naloxone est généralement administrée dans la cuisse ou dans l'épaule et
peut même l’être à travers les vêtements.

PHOTO : ST. JOHN AMBULANCE

Bien lui en a pris, car en allant prendre l'air, il est tombé sur une jeune
femme dans la vingtaine, plutôt mal en point, qui a rapidement fait un arrêt
cardio-respiratoire. Grâce à la naloxone, il a pu la réanimer.

Les médecins lui ont dit qu'ils étaient presque sûrs à 100 % que je lui
avais sauvé la vie et qu'elle ne s'en serait peut-être pas sortie sans la
naloxone.

Une citation deThomas Laberge, 16 ans
Trois acteurs clés au cœur du programme
Actuellement, c’est le ministère de la Santé et des Services sociaux qui
octroie les budgets aux diverses autorités régionales de santé publique qui,
elles, choisissent les organismes chargés de la prévention. Ce sont ces
derniers qui contactent ensuite les écoles pour proposer des interventions.
Le programme n'a donc pas un modèle standard qui s'applique partout.

2:16
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Le Téléjournal week-end
Prévention des dépendances en milieu scolaire : des services sous-financés

Le reportage d'Elyse Allard

Invité dimanche à commenter l'absence de ce programme dans plusieurs écoles
secondaires québécoises, le ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, a
souligné que son champ d'action est limité puisque cette initiative ne
relève pas de son ministère. Cependant, il a reconnu que les dépendances et
la consommation de drogues sont des problèmes de société et il a invité les
trois acteurs au cœur du programme à travailler main dans la main.

J'invite les écoles où le programme n'est pas implanté à communiquer avec
les [directions de la] santé publique régionales [...] et à voir comment ce
programme-là pourrait se mettre en place dans leur école, et j'invite les
[directions de la] santé [publique] régionales à faire la même chose. Quant
aux organismes qui portent le message auprès des jeunes et qui se désolent
de voir que de nombreuses écoles secondaires n'ont pas adopté ce programme ,
M. Drainville a dit comprendre leur frustration et les a encouragés à
continuer à mettre de la pression. Je n'ai aucun problème avec ça, au
contraire, a-t-il ajouté.

La crise des opioïdes en filigrane
Chaque région, chaque milieu scolaire pige ce dont il a besoin sans suivre l’ensemble
du spectre de l’intervention, déplore Vincent Marcoux. Selon lui, le
continuum de prévention offert devrait être uniforme et obligatoire pour les
écoles afin de maximiser les bienfaits possibles de ce type d’intervention,
surtout dans le contexte où la crise des opioïdes fait rage partout au pays
et représente la première cause de mortalité chez les adolescents dans l’Ouest
canadien.

Des photos sont plantées au sol, entourées de fils de couleur.
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Des photos de victimes ont été placées l'une à côté de l'autre pendant un
hommage rendu à Vancouver lors de la Journée internationale de
sensibilisation aux surdoses, le 31 août 2023.

PHOTO : RADIO-CANADA / BEN NELMS

De plus en plus de drogues contiennent du fentanyl ou des opioïdes, et les
ados sont moins à même d'en connaître les dangers et, surtout, sont moins
disposés à demander de l’aide en cas de problème, mentionne Eva Moore, une
pédiatre pour adolescents à l’Hôpital pour enfants de la
Colombie-Britannique.

Mme Moore dit voir de plus en plus de jeunes de 12 à 16 ans mourir d'une
surdose. En août dernier, la Société canadienne de pédiatrie soulignait qu’un
pédiatre sur 10 avait traité un adolescent souffrant d’une surdose grave ou
potentiellement mortelle au cours des 24 derniers mois. Et c’est sans
compter ceux qui ont été soignés par d’autres professionnels de la santé.

À lire et à écouter aussi :
La dépendance chez les élèves : des solutions adaptées à des problèmes
variables

Plusieurs intoxications au Xanax dans des écoles de Montréal

Et l'argent du cannabis de la SQDC?
Dans son rapport, l'AQCID fait aussi état de problèmes de financement.
Par exemple, l’enveloppe annuelle de 15 millions de dollars a été indexée à
l’inflation, mais seules deux régions en auraient fait bénéficier les
organismes sur le terrain.

M. Marcoux adresse aussi un grand reproche au gouvernement : Les fonds de la
Société québécoise du cannabis [100 millions de dollars] devraient aller
totalement en prévention dans les écoles mais aussi au cégep et à
l'université. Et pourtant, 50 % de cette enveloppe va au ministère de la
Sécurité publique et à la Justice.

Avec les informations d'Elyse Allard

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