L'arroseur arrosé : Avant-propos
Les cinq pays de la Communauté andine (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou et Venezuela) constituent l’un des trois principaux foyers de la production mondiale de substances illicites d’origine naturelle — bien que l’une d’entre elles, le cannabis, soit désormais cultivé à peu près partout sur la planète. Les autres foyers importants sont le « Triangle d’Or » (espaces frontaliers contigus de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande) et le « Croissant d’Or » (espaces frontaliers contigus de l’Afghanistan, de l’Iran et du Pakistan). Un point commun à toutes ces régions est leur grande instabilité politique, ainsi que leur histoire ponctuée d’épisodes de violence (coups d’État, guerres civiles, etc.)
Si ces violences, qui perdurent depuis des décennies, trouvent souvent leur source dans les rivalités ethniques, l’injustice économique ou les intérêts géopolitiques des grandes puissances, il n’en demeure pas moins que la prohibition des drogues a contribué à les envenimer. En effet, il est largement admis que l’argent provenant du trafic de substances illicites sert à financer les activités des groupes armés de toutes sortes. Le démontrer ne fera toutefois pas partie des objectifs de ce document, non plus qu’exposer les fondements religieux, moraux ou hygiéniques justifiant la prohibition de certaines substances plutôt que d’autres. Toujours est-il qu’une analyse simpliste de ce lien entre drogue et conflit armé sert à légitimer les mesures d’éradication, alors que les fondements de la prohibition ne sont presque jamais remis en question.
Quant aux informations concernant l’impact environnemental de la production de substances illicites, elles sont rarissimes. En Afghanistan ou au Myanmar, cela s’explique non seulement par l’opacité des régimes politiques en place, mais aussi par les dangers inhérents à effectuer des recherches scientifiques indépendantes dans ces régions. Dans les pays d’Amérique du Nord, le manque de données fiables semble plutôt relié à une certaine hypocrisie, qui porte les milieux politiques et académiques à minimiser l’ampleur du phénomène.
Heureusement, les données concernant les pays de la Communauté andine sont plus abondantes. Dans une optique comparative entre la Colombie — épicentre de toutes les violences — et les pays avoisinants, ce document étudiera plus spécifiquement : 1) les fondements en droit international de l’éradication des cultures illicites; 2) la relation entre l’environnement et les mesures d’éradication; et 3) la protection de l’environnement en temps de conflit armé (puisqu’il est quasiment impossible de dissocier les mesures d’éradication des conflits armés dans lesquels elles s’insèrent). Le droit international humanitaire peut-il être un rempart efficace contre la dégradation de l’environnement? Son respect pourrait-il favoriser une amélioration de la situation sociopolitique des pays concernés une fois la paix revenue?
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