La loutre: La pollinisation croisée
La pollinisation croisée
Cet été, ma fille et moi avons participé au Colloque provincial sur la culture du chanvre industriel. Il y avait là un bel éventail d'humains, chacun représentant un aspect de cette industrie agricole. Par exemple, des gars de l'Abitibi en quête de fibre de qualité pour leur usine de textile; des français producteurs de semence; des producteurs de graine de chanvre pour la consommation humaine (ce qui va sans dire car, au Canada, le chanvre ne peut être donné à manger aux... animaux!); des micro-producteurs de cannabis médicinal; des macro-producteurs de cannabis; des agronomes, des élus etc.
Les agriculteurs se sont plaint de ne pas intéresser les investisseurs qui préfèrent mettre leurs milliards dans le cannabis. Ils sont limités dans le choix de semences aux variétés autorisées par Santé Canada. Celles-ci sont choisies, entre autre, pour leur faible teneur en THC, i.e. moins de 0,3% et , malheureusement, elles ne contiennent également que trop peu de CBD. Pour améliorer leur rendement, leur revenu, ils optent pour des variétés dites à deux fins. Ils récoltent donc en deuxième lieu la tige de la plante pour la fibre qu'on en tire. Mais voilà, le marché du textile n'est pas trop intéressé non plus à cette fibre qui, disons-le, est à cette fin de piètre qualité.
Les français, avec une petite touche d'arrogance bien légitime, ont expliqué que la culture de la graine de chanvre, aussi appelée chènevis, est ce qui est le plus simple à réaliser et ne représente pas un véritable défi comparé à la production de fibre textile de qualité où par exemple les plants mâles doivent être éliminés (tiens donc!) pour concentrer les efforts de la plante femelle à la production de fibre.
Je sens que vous me voyez venir... Et bien voilà! Il semble évident que la législation sur le cannabis n'est pas terminée. A l'instar de ce qui se passe aux USA, un grave problème de pollen existe. En effet, le cannabis étant une plante anémogame ou anémophile, sa pollinisation est assurée par le vent. Les 350 000 grains de pollen que chaque fleur mâle produit sont transportés sur des distances allant jusqu'à des centaines de kilomètres là où il n'y a pas d'obstacle, par exemple la mer Méditerranée. Plus près de nous, de la pollinisation croisée légère a été observée sur une distance de 10 kilomètres et sévère à 5 kilomètres.
En plus d'être un enjeu économique, la pollinisation croisée met en lumière un problème encore plus grand. C'est de la pérennité de l'espèce dont il est question. Je crois que la légalisation du cannabis est paradoxalement un des plus grands dangers que cette plante magique aura connus. Lors des différentes tentatives d'éradication survenues dans l'histoire, le capital génétique de l'espèce n'était pas menacé. Il a suffit que des graines soient préservées. Aujourd'hui, c'est au génome que nous nous attaquons. Grâce à la pollinisation croisée et à la démocratisation de sa culture, nous introduisons les gènes de chanvre industriel dans le cannabis. Déjà, à ce point de vue, on pourrait par exemple, remettre en question l'introduction des gènes de cannabis ruderalis pour obtenir les hybrides aphotopériodiques (automatiques), à la différence que ces travaux sont exécutés par des pros, non pas par le vent.
Il est important d'y voir, et vite. On doit encourager les producteurs à adopter des choix de culture sans pollen. Pour ce faire, la teneur limite en THC doit être élevée à 0,5% et de nouvelles variétés de semences (textile, CBD) doivent être approuvées par Santé Canada. On doit créer des zones d'exclusion ou des espaces tampons d'au moins 10 kilomètres.
A bientôt,
La loutre
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