Justice et cannabis: le jeu de dupes

La loi n’impressionne plus les dealers et un profond hiatus se creuse entre la sévérité affichée par l’État et le caractère expéditif des procédures dans les faits.
Ian KnafouAvocat pénaliste

04/05/2021 18:35 CEST | Actualisé 04/05/2021 18:35 CEST

La France est l’un des pays les plus répressifs au monde vis-à-vis des stupéfiants: c’est du moins ce que nombre de commentateurs aiment à rappeler, oubliant que cela n’est vrai que sur le papier.

Si la vente de stupéfiants constitue aujourd’hui le délit le plus lourdement sanctionné du Code Pénal, passible de dix ans d’emprisonnement, voire vingt en cas de récidive, l’écrasante majorité des procès concerne des petits vendeurs de cannabis, lesquels, lorsqu’il s’agit de leur premier délit, ne sont jamais condamnés à de la prison ferme.

Les jugements pour trafic de stupéfiants concernent 20% de l’activité judiciaire de notre pays.

La loi, aussi répressive soit-elle en théorie, n’impressionne plus les dealers depuis longtemps, et un profond hiatus se creuse entre la sévérité affichée par l’État et le caractère expéditif des procédures dans les faits. Le texte, qui considère avec la même sévérité la vente d’un gramme de cannabis ou d’une tonne de cocaïne, n’a plus aucun sens aujourd’hui: il est absurde de vouloir sanctionner de la même façon tous les vendeurs de stupéfiants sans prendre en compte les substances et les quantités qu’ils font circuler.

Face à un tel contentieux de masse, il paraît nécessaire, comme c’est déjà le cas pour le port d’armes ou la conduite sous l’empire d’un état alcoolique, de différencier les délits dans les textes selon leur degré de gravité, pour enfin désengorger les tribunaux français. Les jugements pour trafic de stupéfiants concernent en effet 20% de l’activité judiciaire de notre pays.

Une première réforme a été tentée en septembre 2020. Depuis cette date, l’usage de stupéfiants peut être sanctionné par une amende forfaitaire d’un montant de 200 euros. La mesure avait pour objectif de réduire le nombre de procès liés à ces substances, et notamment au cannabis. Elle n’aura cependant aucun effet sur la saturation des juridictions, pour la simple et bonne raison que ce sont les vendeurs, et non les clients, qui constituent l’essentiel des comparutions dans les affaires de stupéfiants. L’amende actuelle, réservée aux consommateurs, se trompe de cible, et n’aura pas d’impact sur l’encombrement du système judiciaire.

Il y a pourtant urgence: jamais le nombre de dealers à juger n’a été aussi important. La qualité des procédures se trouve fortement dégradée par cet engorgement. Par le passé, les arrestations pour vente de stupéfiants donnaient lieu à une enquête et permettaient ainsi de construire un véritable dossier judiciaire. Désormais ce n’est plus le cas.

La condamnation des vendeurs de cannabis sur la base d’enquêtes lacunaires est devenue quasi-systématique, au prix d’une dégradation des standards de procédure.

Le nombre de dossiers à traiter atteint aujourd’hui des proportions telles que l’État n’a plus ni le temps ni les moyens de mener les enquêtes qu’il assurait autrefois, et la condamnation des vendeurs de cannabis sur la base d’enquêtes lacunaires est devenue quasi-systématique, au prix d’une dégradation des standards de procédure. On observe une inversion de la charge de la preuve, à l’encontre des principes élémentaires du droit: c’est désormais à la défense de prouver son innocence, quand il revient légalement à l’accusation de prouver la culpabilité du prévenu.

Or sans véritable enquête, le prévenu n’a aucun élément à faire valoir en sa faveur, et n’a alors droit qu’à un simulacre de procès semé d’automatismes, où personne ne s’écoute puisque l’ensemble des acteurs sait déjà ce que chaque camp s’apprête à dire. On a bien souvent l’impression de participer à une mauvaise pièce de théâtre plutôt qu’à un véritable processus judiciaire digne de ce nom. Le déroulé est connu par cœur: un prévenu qui nie systématiquement les faits et une condamnation pour la forme, juste avant le tombé de rideau.

S’ajoute à ces multiples dysfonctionnements une profonde disparité territoriale entre juridictions: certains tribunaux, notamment en Seine-Saint-Denis, ont atteint un tel débordement que cela affecte directement les décisions prononcées. Un vendeur de cannabis sera jugé avec bien plus de sévérité à Versailles qu’à Bobigny, où le nombre de cas à gérer provoque un véritable tri des justiciables. Cette justice à deux vitesses compromet grandement l’égalité des citoyens devant la loi et nourrit un système inégalitaire dans lequel les individus ne sont plus jugés de façon satisfaisante.

À l’instar de la conduite sans permis, de l’occupation illégale de halls d’immeubles ou de l’usage de stupéfiants, il est insensé d'organiser autant de procès pour trafic de cannabis.

Il est impératif d’acter l’incapacité de la justice française à traiter correctement les vendeurs de cannabis. La solution consiste en une rationalisation de leur parcours pénal. On pourrait imaginer la création d’une amende forfaitaire pour vente de cannabis, applicable en-deçà d’une certaine quantité. Une telle mesure soulagerait les tribunaux de ces infractions qu’ils n’ont de toute façon plus les moyens de traiter. À l’instar de la conduite sans permis, de l’occupation illégale des halls d’immeubles ou de l’usage de stupéfiants, il est insensé de vouloir organiser autant de procès pour trafic de cannabis.

Cette mesure n’aurait peut-être pas d’incidence directe sur la quantité de cannabis vendue ni sur la sécurité des quartiers, mais elle permettrait au moins à la justice de se concentrer sur sa véritable priorité, les têtes de réseau. Le jeu de dupes des procès des vendeurs n’a que trop duré.

Sur ce sujet, retrouvez notre dossier “Légalisation, c’est weed ou non?”, tandis que les voix se font de plus en plus fortes en France pour appeler à un débat sur la légalisation du cannabis récréatif.

Épisode 1: Cette députée veut que vous participiez à la consultation sur le cannabis, surtout si vous êtes une femme

Épisode 2: Sur 250.000 citoyens consultés, 80% plébiscitent la légalisation du cannabis

Épisode 3: La stupéfiante évolution de Rachida Dati sur le cannabis

Épisode 4: La légalisation du cannabis expérimentée à Reims? On est allé voir sur place

Épisode 5: Macron et le cannabis, une histoire de revirements pour aboutir à la tolérance zéro

Épisode 6: Le cannabis récréatif met la Macronie en pétard

Épisode 7: Face à cette crise sanitaire sans fin, la question des jeunes et du cannabis devient urgentissime

Commentaires

Une profonde disparité territoriale entre juridictions

La disparité territoriale, l'autonomie provinciale, sur l'application de la loi injuste sur le cannabis d'un océan à l'autre par les forces de police faisait parti de la légalisation. Faire que la loi soit la même partout !

A Vancouver les policiers étaient plus cool envers les consommateurs de cannabis et champis qu'ailleurs au Canada.

Malheureusement comme avant ce ne sont pas toutes les provinces qui ont accepté la normalisation !
Dans la majorité des provinces elles ont accepté d'harmoniser l'âge légal pour être reconnu comme un adulte à 18 ou 19 ans, pour avoir le droit d'acheter, produire et consommer comme c'est le cas pour les produits intoxicants légaux, l'alcool, le tabac.

Dans les provinces avec la légalisation Canadienne ils ont droit:
À la culture perso restrictive injuste de 4 plantes. Même avec un monopole.
Aux comestibles, etc.

Au Québec:
Criminalisation des 18-21 ans et leur sacrifice aux organisations criminelles.
Interdiction de production personnelle pour protéger le monopole

Effet pervers sur la santé physique mentale et économique:

«En mettant l’âge d’accès au produit à 21 ans, on laisse les 18-21 aux mains des marchés criminels. Et on sait que 40% environ de ces jeunes de 18-21 consomment des substances psychoactives. Et comme ils ne peuvent pas se les procurer sur le marché licite, ils vont sur le marché illicite. Les marchés criminels ont une base de commerce très importante, et on ne pourra jamais avoir 100% du marché en gardant l’âge légal de la consommation à 21 ans», Serge Brochu.

L’approche actuelle de la CAQ donne des millions de dollars par année au crime organisé et aux gangs de rue.

Responsable:
Le premier ministre qui a imposé le sacrifice des 18-21 ans aux organisations criminelles !
Les Associations de médecins, psychiatres pro BigFarma qui ont la phobie du cannabis !

« C’est clair, je ne me conte pas d’histoires. Des jeunes de 18 à 21 ans vont aller sur le marché noir acheter du cannabis. Mais je ne veux pas être connu comme le premier ministre du Québec à envoyer le signal que c’est banal de consommer du cannabis avant 21 ans. » François Legault.

ACCES-Cannabis ne parle plus d'éliminer la concurrence au monopole.
Le cadre du programme ACCES-Cannabis, qui a pour mission de diminuer l’accessibilité du cannabis illicite sur le marché québécois, notamment chez les jeunes, et à diminuer la concurrence déloyale des producteurs et trafiquants illégaux faite à la SQDC. Jeunes = moins de 21 ans au Québec pour le cannabis mais qui seront reconnus criminellement comme des adultes en cas d'arrestations pour le cannabis ?

Ils sont conscient qu'aucun marché illicite de produits et d'humains n'a été éliminé malgré des années d'augmentation de budgets et de brigades spécialisées.

N.B. que votre gouvernement qui finance la répression fourni aussi des millions non taxés au marché illicite avec la criminalisation arbitraire des adultes de 18 à 21 ans ?

Combien va aux organisations criminelles sans les restrictions de Santé Canada et sans payer de taxes ?

La SQDC évalue sa part de marché en estimant qu'il se consomme environ 150 millions de grammes de marijuana en une année au Québec.

Rappelons que des producteurs de grosses quantités autorisés font du cannabis à .25$/g extérieur et 1.50$/g en serre avec les restrictions, taxes tout en faisant des profits. Imaginez le cout pour le marché organisé.

Supposons qu'ils ont le 50% du marché qu'ils prétendent avoir, ça laisse 75 millions de grammes au marché organisé avec leurs nombreux points de vente de proximité, rabais, fidélisation, dégustation, livraison et produits légaux approuvés par Santé Canada dans d'autres provinces ainsi que des produits contaminés, non réglementés,
sans être renseignés sur leur puissance, de pharmaceutiques dangereux pour la santé physique et mentale.

75 000 000 g X prix moyen 5$/ g (SQDC: 6,75$) = 375 000 000$/12 mois = 31 250 000$/mois. 7 812 500$ semaine.
93 750 000$ par trimestre sans taxes ni restrictions de santé Canada.

Comment un auto proclamé dealmaker peut laisser autant d'argents au marché organisé avec la criminalisation des 18-21 ans alors que la prohibition leur en fourni déjà tellement ?

Argent qui pourrait apporter une aide immédiate et gratuite pour les personnes avec des problèmes !
Pour payer le cannabis thérapeutique inexplicablement si dispendieux pour la majorité des Québécois !
Participer à la responsabilité sociétale en aidant les organismes charitables toujours en manque !
Faire de la publicité prévention/information auprès des 12-17 ans la vraie cible !
La criminalisation arbitraire des 18-21 ans a créé un marché illicite avec les produits de la SQDC !

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