Cannabis : légalisation, dépénalisation… Où en sont nos voisins européens ?

Au Portugal: « vous ne serez pas puni » et plutôt redirigé vers une commission de dissuasion de la toxicomanie

Société
Cannabis : légalisation, dépénalisation… Où en sont nos voisins européens ?

De la légalisation à l’interdiction totale, en passant par des politiques de tolérance et de décriminalisation, il existe en Europe une myriade de réglementations différentes concernant la possession et la consommation de cannabis.

Si certains pays en Europe ont complètement légalisé l'usage récréatif du cannabis, la majorité des États continue d'interdire cette drogue (illustration). LP/Arnaud Journois
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Par Salomé Vincendon
Le 23 août 2023 à 17h54

Le sujet est une nouvelle fois sur la table. Après la mort d’un enfant de 10 ans à Nîmes, victime collatérale d’une fusillade, la question de la législation des drogues en France a été posée par plusieurs élus. La légalisation du cannabis pourrait ainsi faire partie « des mesures qui seraient utiles » contre le trafic de drogues, a déclaré le coordinateur de La France Insoumise Manuel Bompard ce mercredi sur BFMTV/RMC.

D’autant que chez nos voisins, les textes bougent. L’Allemagne a ainsi adopté la semaine dernière un projet de loi visant à légaliser le cannabis à des fins récréatives, qui doit encore être discuté et voté au parlement. Ce pays ne serait pas le premier en Europe à passer le cap de la légalisation, alors que dans d’autres, la détention et la consommation de cannabis restent totalement interdites.

Même avec la légalisation, des sanctions existent
Malte et le Luxembourg ont déjà légalisé le cannabis récréatif respectivement en 2021 et 2023. Cela veut dire que cette « drogue n’est plus illicite, elle est autorisée dans un usage récréatif », explique Henri Bergeron, directeur de recherches au CNRS et enseignant à Science Po. Mais même si elle est légale, des réglementations encadrent son utilisation, comme il en existe pour le tabac et l’alcool, par exemple une limite sur l’âge.

À Malte, il est ainsi autorisé de transporter jusqu’à 7 g de cannabis à partir de 18 ans. Il est aussi possible de cultiver jusqu’à quatre plants de cannabis chez soi et d’être en possession d’une quantité allant jusqu’à 50 g. Toutefois, la loi maltaise précise que toute personne qui consomme du cannabis « dans un lieu public, (…) sera passible d’une amende de 235 euros ». La consommation de cannabis devant une personne mineure peut également entraîner une amende allant de 300 à 500 euros.

Au Luxembourg, il est autorisé de cultiver jusqu’à quatre plants chez soi et de posséder jusqu’à 3 g. Mais en cas de « non-respect du lieu de culture et du nombre de plantes autorisé », la sanction peut monter à 5 ans d’emprisonnement et/ou 250 000 euros d’amende.

La dépénalisation à géométrie variable
Sans aller jusqu’à la légalisation, plusieurs pays en Europe ont dépénalisé ou décriminalisé le cannabis avec des conditions très différentes selon les États. Dans le cas de la législation sur le cannabis, il est « couramment admis que la décriminalisation/dépénalisation consiste à retirer le caractère d’infraction pénale à un acte », explique l’OFDT (Observatoire français des drogues). Cela signifie l’application de peines moins graves, voire la suppression de peines dans certains cas. Mais la drogue reste illégale.

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L’Observatoire européen des drogues (OEDT) cite en exemple la Slovénie, la Croatie, l’Autriche, la Pologne, ou encore le Portugal.

Au Portugal, qui a mis en place une loi sur la décriminalisation de toutes les drogues en 2001, l’usage et la possession de cannabis demeurent interdits sans être un délit. « Si vous êtes un simple usager, vous ne serez pas puni » et plutôt redirigé vers une commission de dissuasion de la toxicomanie, « ce qui permet de favoriser l’accès aux soins des usagers qui en auraient besoin », explique Marie Jauffret-Roustide sociologue à l’Inserm.

Et en Espagne, la consommation dans des lieux privés n’est pas interdite, mais il existe des amendes de 601 à 30 000 euros pour consommation et détention de drogues dans l’espace public.

Une interdiction dans la majorité des pays
La possession de cannabis reste toutefois « majoritairement interdite dans les États membres de l’Union européenne », rappelle le site Toute L’Europe, avec une sévérité de peines assez différente selon les pays. « Ainsi, si l’infraction ne fait l’objet que d’une amende pouvant aller jusqu’à 280 euros en Lettonie, celle-ci fait encourir jusqu’à huit ans d’emprisonnement à son auteur à Chypre ».

En Europe, aux côtés de Chypre, « la France et la Suède font partie des plus répressifs sur le sujet », déclare Marie Jauffret-Roustide. En France, une amende forfaitaire de 200 euros est prévue « si vous êtes contrôlé par les policiers ou les gendarmes, en train de consommer des stupéfiants ou en possession de petites quantités ». L’infraction est inscrite au casier judiciaire depuis 2020.

Les Pays-Bas ont eux un statut particulier. Dans ce pays, « il est illégal de posséder, vendre ou produire de la drogue », cependant, il existe « une politique de tolérance à l’égard des drogues douces ». Ainsi, la vente de petites quantités de cannabis dans les coffee shops « constitue une infraction pénale, mais le ministère public ne poursuit pas », explique le gouvernement néerlandais. Pour Henri Bergeron, « il s’agit clairement d’une forme de dépénalisation ».

Le cannabis thérapeutique « dominant en Europe »
Si sur le plan récréatif, la légalisation est encore loin d’être généralisée, le cannabis à usage médical « est lui dominant en Europe », déclare Marie Jauffret-Roustide. Il est ainsi autorisé pour usage thérapeutique dans 21 des 27 États de l’Union européenne. Le cannabis est, dans ce cadre, utilisé pour combattre certains effets de maladies, comme Parkinson, ou encore les effets secondaires dus à des chimiothérapies.

Une expérience est d’ailleurs en cours sur le sol français concernant la consommation de cannabis « à usage thérapeutique », avec plusieurs centaines de personnes atteintes de maladies graves. Elle court jusqu’à 2024. Mais malgré l’expérimentation en cours, la sociologue note « un grand retard de la France sur le sujet ».

Commentaires

Trafic de stupéfiant : le cas du Portugal, un exemple à suivre ?

https://www.opinion-internationale.com/2022/03/02/trafic-de-stupefiant-l...

Le mot d’ordre est simple : plus de soins pour moins de peines,
et une réponse graduée en fonction de la consommation des toxicomanes.

L'aspect médical ou la promotion de la santé et du bien-être n'ont rien à voir avec la justice pénale !

« Distinguer le consommateur non-dépendant du dépendant pour combattre la consommation »

13H00 - mercredi 2 mars 2022
Trafic de stupéfiant : le cas du Portugal, un exemple à suivre ?

Female drug dealer sells weeds to man inside the car.

La lutte contre le trafic de drogue en France depuis le début des années 2000 a pu sembler chaotique, politisée mais surtout, inefficace. La France était le pays de l’Union européenne qui comptait le plus d’usagers de drogues illicites en 2020, bien loin devant le Portugal, l’un des derniers pays du classement. Le Portugal mène depuis vingt ans une lutte intelligente contre l’usage et le trafic de substances illicites dans sa société, pour s’ériger aujourd’hui en véritable modèle européen. Comment les Lusitaniens ont-ils réussi leur pari de contrôler l’usage de drogues sur leur territoire ?

À la fin de la dictature fasciste de Salazar, le Portugal connaît une hausse significative de la consommation de drogues, notamment l’héroïne et les drogues de synthèse. Selon l’Institut Médico-légal de Lisbonne en 1987, le nombre de Portugais héroïnomanes s’élève à 30 000, et dépasse les 100 000 Portugais en 1994. La crise est telle que la société civile se mobilise pour « assainir » le pays. La promulgation de la loi 30/2000 le 29 novembre 2000, en faveur de l’éradication de la toxicomanie dans le pays, a été le pilier de 20 ans de lutte antidrogue.

La loi décriminalise l’usage de drogues et la consommation, tandis que l’acquisition et la détention de petites quantités de stupéfiants ne sont plus des infractions pénales depuis 2000. Désormais, les pouvoirs publics n’incriminent que le trafic et la vente de stupéfiants. Un système de « jours de consommation » est instauré, afin d’évaluer la détention à des fins personnelles ou à des fins de trafic. La détention aux fins personnelles se solde par une amende, mais la seconde détention peut conduire à 4 à 12 ans d’emprisonnement. La peine peut être allégée en fonction du statut social et financier de l’usager, ainsi que de son parcours de soins.

Des commissions intelligentes et une distinction répression/santé salvatrice

En 2002, pour accompagner les toxicomanes du pays, des commissions de dissuasion de la toxicomanie (CDT), rattachées au ministère de la Santé et non plus de la justice, sont créées. Elles sont chargées de fournir des solutions et des soins, ainsi qu’un soutien psychologique, aux usagers.

Le mot d’ordre est simple : plus de soins pour moins de peines, et une réponse graduée en fonction de la consommation des toxicomanes. Pour la première interpellation, ils sont conduits au commissariat pour vérifier que la quantité détenue se situe en-deçà du seuil toléré. Si la quantité retrouvée ne dépasse pas la limite légale, l’usager doit se présenter, sous 72 heures, devant une commission de dissuasion de la toxicomanie (CDT). La commission peut alors décider de lui imposer une amende allant de 25 à 150 euros). Elle est présidée par un professionnel du droit, qui est lui-même conseillé par des professionnels de santé et des travailleurs sociaux. Ils ont pour rôle d’évaluer la consommation des usagers après plusieurs entretiens individuels, de les orienter en fonction de leurs besoins spécifiques, et peuvent prononcer des sanctions d’interdiction d’exercice d’une profession. Entre 2001 et 2017, 93% des usagers convoqués se sont rendus à tous leurs rendez-vous.

Si la toxicomanie d’un individu est jugée problématique ou critique, la procédure est suspendue ou peut conduire à des sanctions administratives. Pour une pratique « modérée », une intervention brève peut être proposée qui aura le choix de l’accepter ou non. L’intervention inclut une aide psychologique (appelée counseling), afin que la personne puisse sortir de sa maladie. Si le risque de dépendance est « élevé », le consommateur peut être orienté vers un service de traitement spécialisé, toujours sans obligation.

Distinguer le consommateur non-dépendant du dépendant pour combattre la consommation

Résultat, en 20 ans de législation, le niveau de consommation de drogues au Portugal a réussi à se maintenir sous la moyenne européenne, peu importe la substance concernée. Le taux de consommateurs quotidiens de psychotropes, alcool et tabac a largement diminué en 20 ans. Les prisons ont été désengorgées, allégeant le travail des acteurs du système pénal. Les Portugais restent comme les autres Européens, et des fumeurs de cannabis se retrouvent dans toutes les classes d’âge. Le taux de mortalité relatif à l’usage de drogues au Portugal est également le plus faible d’Europe, grâce aux commissions de dissuasion et aux centres de soins. Autre effet bénéfique, le recul du Sida dans le pays, du fait d’une baisse généralisée du partage de seringues entre usagers. Ainsi, le nombre de Sidéens chez les injecteurs de drogues est passé de 518 personnes en 2000 à 13 personnes en 2019. Un schéma similaire est observable pour les cas d’hépatite B et C. Quant au trafic, il a fortement été impacté par la loi, et plus particulièrement l’héroïne. Selon les statistiques du SICAD, en 20 ans, une baisse de 52% de la quantité annuelle d’héroïne saisie a été constatée. Le Portugal demeure toutefois une porte d’entrée pour le trafic de cannabis, destiné à la France et au reste de l’Europe.

Maud Baheng Daizey

Le taux de mortalité relatif à l’usage de drogues au Portugal est également le plus faible d’Europe, grâce aux commissions de dissuasion et aux centres de soins.

Le taux de mortalité relatif à l’usage de drogues licites et illicites au Portugal...
Excluant le cannabis seul sans mélange, qui n'a aucune mortalité directe relative à son usage ou abus,
et qui n'est pas dû "aux commissions de dissuasion et aux centres de soins" ! Zappiste

https://www.inspq.qc.ca/publications/2712
Les Commissions de dissuasion de la toxicomanie au Portugal : suivi des indicateurs de santé et de la consommation chez les personnes utilisatrices de substances psychoactives dites « illicites ».
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