Témoignage d'Alexandre Néron
Un bénévole du Club Compassion revient sur les circonstances de son arrestation
Quand mon visage s'est écrasé contre le tapis sale et humide du Club Compassion, je voyais les ombres noires (et bleues) crier, courir partout et envahir notre havre de désobéissance civile. Écrasé au sol, une ombre s'approcha de moi, en mettant les chaînes autour de mes poignets, capturant ce qui me restait de liberté. «Tu es en état d'arrestation» susurra l'ombre, «tout ce que tu diras pourra être retenu contre toi!» Je tournai la tête, Boris, les deux mains sur la table, l'oeil hagard, le visage déconfit par tant de stupidité, écoutait les porteurs d'armes, coercition oblige...
Ils étaient douze, peut-être plus, les ombres se devant de paraître immenses, pour couvrir la lumière de la Compassion. Au milieu de l'océan répressif, notre désolation n'avait d'égal que notre frustration. J'aurais voulu hurler, exploser pour dilacérer leur barbarie avec ma rage! J'aurais voulu les mettre en fuite par le seul pouvoir de ma fureur! L'hébétement sur leur visage m'aurait suffit... Mais les seuls pas qu'on me permit de faire furent ceux vers ma conversion, leur conversion... Par la prison. De par ces pas jusqu'à l'auto des policiers, mon enchaînement détruisit ma liberté, mes espoirs et mes aspirations sociétaires. Après une fouille en règle, (« on n'a pas le choix, m'a dit le policier, c'est un cas de trafic!» Trafic mon cul, ouais! «Justement» qu'il m'a dit...) force m'était de constater la lenteur du système judiciaire. Mis en cellule, seul, je compris l'isolement pénitencier. J'étais donc entièrement convaincu qu'on me faisait perdre mon temps! Ce temps qui aurait plus bénéficié à nos malades qu'à leur jouissive (et machiste) répression policière. Mes voisins de cellule, du même avis, me rassuraient que je m'en sortirais, que je m'en tirerais avec rien. Ils me paraissaient tous plus sympathiques que les visages policiers.
Pourtant, autour de moi, il n'y avait que des barreaux...
Assis sur la planche de bois, couché puis debout, puis recouché, mon esprit tournait en rond, réfléchissant à mes derniers moments de vie libre. Quels torts avais-je causés à la société pour mériter une arrestation? À qui portais-je atteinte? On venait de foutre mon éducation judéo-chrétienne en l'air! Moi qui croyais que l'entraide et la compassion étaient des valeurs sûres...
Alexandre Néron
Bénévole au Club Compassion
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