Walter Cavalieri qui représente le THRTF
Pourquoi ne comprenons-nous pas que de mauvaises lois et de mauvaises politiques sont nuisibles?
Depuis 15 ans, le travail que j'accomplis auprès des gens dans la rue et de ceux qui utilisent des drogues - ainsi que ma curiosité qui m'a poussé à découvrir une vérité différente de celle avec laquelle on m'avait endoctriné
Walter Cavalieri qui représente le Toronto Harm Reduction Task Force
Walter Cavalieri qui représente le THRTF
Témoignage lors
Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites (Canada, 2002) il y a 21 ans
https://blocpot.qc.ca/fr/forum/5683
Le rapport Nolin dans son intégralité
https://blocpot.qc.ca/fr/comite-special-du-senat-sur-les-drogues-illicit...
Le président: Notre témoin suivant est Walter Cavalieri qui représente le
Toronto Harm Reduction Task Force.Monsieur Cavalieri, vous pouvez commencer.
M. Walter Cavalieri, président, Toronto Harm Reduction Task Force: Merci
beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant vous. Il s'agit tout à la
fois d'un privilège, d'un honneur et d'une occasion dont je me félicite en
espérant être à la hauteur.
Je suis le président du Toronto Harm Reduction Task Force, qui est une
alliance de particuliers, de mouvements communautaires et de groupes de
quartier qui travaillent ensemble depuis cinq ans environ pour mitiger les
préjudices associés à l'utilisation et au commerce de la drogue à Toronto.
Je suis également le fondateur du Canadian Harm Reduction Network qui est
l'ombrelle sous laquelle se regroupent les particuliers et organismes qui
luttent partout au Canada pour réduire les préjudices sociaux, économiques
et médico-sanitaires associés aux politiques concernant les drogues et leur
usage.
Je suis également chargé de recherche et j'ai actuellement en cours deux
projets à la faculté de médecine de l'Université de Toronto. Le premier est
une étude qualitative des utilisateurs de drogues injectables à Toronto où
je demande à ceux-ci ce qu'ils pensent des risques que présente le VIH, ce
qu'ils font pour prévenir ce risque et ce qu'ils peuvent me dire des
services et des fournisseurs de services auxquels ils ont eu affaire. La
seconde étude est une étude ethnographique sur l'utilisation du crac à
Toronto qui fait partie d'une étude couvrant plusieurs villes dont Toronto
est la seule au Canada, toutes les autres étant aux États-Unis.
Enfin, je suis membre honoraire du mouvement IDUUT, l'Illicit Drug Users'
Union of Toronto, ainsi que de l'International Drug Users' Union, un
mouvement international basé sur l'Internet.
J'ai fait remettre à votre greffier un exemplaire de mon curriculum vitae,
un texte que j'ai écrit sur la mitigation des problèmes ainsi qu'une
communication que j'ai rédigée avec Diane Riley sur la réduction des
préjudices et le logement. Je vous ai également fait remettre un texte qui
correspond plus ou moins à ce que je vais vous dire aujourd'hui.
Je vais tenter de représenter du mieux que je peux les centaines de
personnes qui utilisent des drogues illicites que j'ai rencontrées depuis
1986 et dont certaines voudraient bien pouvoir être ici, d'autres ont trop
peur ou se sentent trop indignes pour l'être et dont beaucoup ne pourraient
être ici parce qu'elles sont mortes.
Depuis 15 ans, le travail que j'accomplis auprès des gens dans la rue et de
ceux qui utilisent des drogues - ainsi que ma curiosité qui m'a poussé à
découvrir une vérité différente de celle avec laquelle on m'avait
endoctriné - m'a plongé au coeur de la vie de rue à Toronto. J'ai vu les
chambres d'hôtel sordides dans lesquelles les gens allaient se droguer, j'ai
vu les taudis où ils habitaient le long des voies ferrées, j'ai vu les
ruelles, partout où ces gens vont pour être plus en sécurité et pour trouver
un peu d'intimité pour apprendre ou montrer à utiliser des drogues de façon
plus sécuritaire.
Tout récemment encore, avec un collègue, j'ai été voir des gens qui habitent
dans le tout premier barrio de Toronto - un village de toile situé à
l'emplacement d'une décharge industrielle contaminée - où nous avons
découvert comment vivaient tous ces gens, et notamment un ancien enseignant
qui habitait dans une vaste tente à deux compartiments où il se sentait en
sécurité.
Nous avons également visité une série d'endroits le long de la rivière Don,
là où habitent des gens entre les poutrelles et sous des ponts bas dans les
conditions les plus primitives et les moins sanitaires qui soient, mais où
ils trouvaient une certaine sécurité.
D'autres encore campaient sur la plaine inondable où ils se sentaient en
sécurité même s'ils ne l'étaient probablement pas. Nous avons visité des
sites dans le ravin de Rosedale, dont certains d'ailleurs sont clairement
visibles depuis le Don Valley Parkway, mais d'autres aussi qui sont au plus
profond du ravin et mieux cachés. Cela, c'est le quartier Rosedale dont vous
n'entendez pas parler dans le Globe and Mail ou dans le National Post.
Des campements comme cela existent également à Etobicoke et à North York, et
d'ailleurs aussi dans toutes les villes du Canada. Nous avons rencontré
récemment plusieurs personnes qui vivaient sous un pont non loin du
centre-ville de Toronto. Ils sont sept ou huit à habiter là, dont une femme,
des gens qui ont entre 20 et 50 ans et qui vivent dans trois tentes et dans
trois baraquements qu'ils ont construits de leurs mains. Le bruit de la
circulation est constant et assourdissant, de jour comme de nuit. Et comme
aux autres endroits que j'ai mentionnés, il n'y a ni toilettes, ni eau
courante pour se laver ou faire la lessive. Les portes n'ont pas de
serrures, il n'y a pas de chauffage, il n'y a pas de climatisation, il n'y a
pas non plus de collecte d'ordures. Et pourtant, les gens qui habitent là
s'y sentent en sécurité.
J'ai même rencontré un homme qui dormait sur une poutrelle située sous le
Gardiner Expressway parce qu'il s'y sentait en sécurité. J'ai passé une
semaine en compagnie de quatre couples qui avaient déroulé leurs sacs de
couchage le long d'un bâtiment avec pour seuls abris quelques arbres
malingres. Je peux vous garantir que lorsqu'il pleut, ils ne sont pas très
bien protégés. J'ai été là-bas. Ces gens se sentent en famille et
constituent un genre de famille parce qu'ils s'entraident pour pouvoir se
sentir en sécurité. Ou plutôt pour être en sécurité.
Ce n'est pas simplement qu'ils surveillent les possessions de leurs voisins
ou qu'ils montent la garde pour les autres lorsqu'ils sont sous l'emprise de
la drogue, ils ont aussi adopté scrupuleusement des méthodes d'utilisation
pour les drogues qu'ils consomment aussi sécuritaires que les circonstances
le permettent.
Ils se protègent mutuellement. Ils protègent l'environnement. Ils protègent
leur communauté et font tout ce qu'ils peuvent pour protéger leurs
concitoyens. De toute évidence, ils essaient de vivre et d'assumer une place
respectée dans la société.
Mais tous ces gens, contre quoi essaient-ils ainsi de se protéger?
Principalement, des persécutions dont ils sont victimes en raison de leur
indigence. Aussi contre les persécutions dues au fait qu'ils utilisent des
drogues. Je ne veux pas donner l'impression que la toxicomanie et
l'indigence vont inévitable ment main dans la main. C'est vrai, dans
certains cas, que la toxicomanie appauvrit à tel point le consommateur qu'il
perd tout ce qu'il a et qu'il se retrouve dans la rue. Toutefois, c'est la
minorité, peu importe les mythes qu'on colporte à ce sujet. Ou encore que la
clochardise pousse à prendre de la drogue. Bien sûr, il y a un rapport.
Il arrive que la drogue rende un peu moins insupportable le fait de devoir
dormir dans la rue ainsi que le rejet social que cela suppose. La douleur
physique, émotive et sociale de l'indigence dépasse tout ce que la plupart
d'entre nous, tout ce que nous tous qui sommes ici réunis, avons jamais
connu. Cela dit, j'imagine que seuls les plus stoïques d'entre vous
pourraient résister à l'attrait d'un quelconque moyen chimique qui pourrait
soulager notre solitude, notre tristesse, notre dépression voire notre
douleur physique ou psychique.
Ces gens-là dont j'ai parlé veulent simplement ne pas être pénalisés à cause
de cet élément d'humanité qu'ils partagent.
Après un certain temps, j'ai fini par connaître des centaines de gens qui
prenaient de la drogue. Les tout premiers d'entre eux étaient des
travailleurs qui avaient réussi dans la vie. Personnellement, j'ai
travaillé de nombreuses années au théâtre, un milieu où les gens fumaient de
la marijuana, prenaient des psychédéliques, des amphétamines et de la
cocaïne, mais où la drogue la plus dangereuse - dangereuse pour l'expression
du talent - était cette drogue tout à fait licite qu'est l'alcool, et qui
pourtant semble incontrôlable pour certains. L'alcool a ruiné la vie d'un
grand nombre d'acteurs. L'utilisation d'autres drogues - le plus souvent la
marijuana et la cocaïne - était toutes proportions gardées, bénigne.
Jusqu'à ce que je devienne un travailleur social, ce que je connaissais des
opiacées se limitait aux médicaments prescrits par ordonnance. L'une de mes
amies les plus proches - une professionnelle de grand renom - avait un grave
problème de dépendance exacerbé encore par un médecin influençable et mal
avisé. En fin de compte, une surdose de ces médicaments a fini par la tuer.
Évidemment, lorsque j'ai commencé à travailler avec les jeunes gens, et plus
tard avec les adultes, vivant dans la rue à Toronto, la mort est devenue un
genre de compagne fidèle et j'ai rapidement compris, très bien compris même,
à quel point, pour tous ces gens que je fréquentais dans la rue, drogues et
médicaments de toutes sortes étaient une réalité constante et oppressante de
la vie.
Pourtant, c'est lorsque j'ai commencé à mettre au point et à offrir des
programmes de sensibilisation au sida qui ne se contentaient pas de
préconiser simplement l'usage des préservatifs et l'utilisation de seringues
neuves que j'ai véritablement ouvert les yeux sur la drogue et compris
comment ces gens-là composaient avec la drogue et pourquoi ils vivaient avec
elle.
Lorsqu'on fait du travail social, un principe de base est qu'il faut croire
éperdument que la personne avec laquelle on travaille fait le meilleur choix
possible dans les circonstances dans lesquelles elle vit et en sachant ce
qu'elle sait. Étant donné le genre de vie des gens que je rencontrais, c'est
vrai qu'il était logique pour eux de se droguer, et au bout du compte, c'est
une logique que j'ai fini par comprendre moi aussi.
Bien sûr, ce n'est pas quelque chose que je recommanderais. Ces gens-là en
savaient beaucoup plus sur la drogue que je n'en saurai jamais, mais pour
moi, la toxicomanie a fini par devenir quelque chose dont je pouvais dire:
«d'accord, j'ai compris, mais quel est le véritable problème?» Souvent, la
drogue était vraiment un secours qui leur permettait de franchir une
mauvaise passe. Souvent aussi, lorsque d'autres circonstances de leur vie
finissaient par changer, ils parvenaient à contrôler leur toxicomanie, voire
parfois à la faire disparaître. Oui, c'est vrai, même dans le cas de drogues
dures comme l'héroïne, la cocaïne ou l'alcool.
Réfléchissez un peu. Qu'est-ce qu'une jeune mère peut faire lorsqu'elle perd
subitement son nourrisson et qu'elle ne parvient pas à obtenir de l'aide
parce qu'elle est héroïnomane? Au moment où j'ai rencontré cette femme dont
je me souviens maintenant, son bébé était déjà mort depuis deux ans. Elle
suivait un traitement de substitution par la méthadone, mais elle était
devenue désespérément dépendante du valium. Et pourtant, personne n'a voulu
la voir pour l'aider à surmonter la peine entraînée par la perte de son
enfant jusqu'à ce qu'elle abandonne le valium. En toute bonne conscience, je
ne pouvais pas lui dire: «Revenez me voir lorsque vous n'aurez plus besoin
du valium». Cela aurait pu la tuer, de sorte que je ne l'ai pas dit.
Bon, ce n'était pas un cadeau de travailler avec elle et elle n'a pas fait
grand-chose pour améliorer mes chiffres de guérisons rapides, elle n'a pas
non plus atteint la perfection - mais qui donc est parfait? Toutefois, avec
de la patience et de la persistance, elle a fini par faire son deuil et à
n'utiliser le valium qu'à des doses normales.
Ce qui s'est passé dans le cas de cette femme et dans le cas de milliers
d'autres comme elle ici au Canada est en réalité le résultat de nos lois.
Les âmes bien pensantes qui les ont conçues et la pseudo moralité qu'elles
engendrent permettent à de nombreux de ces prétendus professionnels
d'adopter des comportements époustouflants.
Le travail que j'effectue actuellement me met en rapport étroit avec des
gens qui s'injectent du crack. Il s'agit là de quelque chose d'un peu plus
complexe que, mettons, le fait de se piquer à la cocaïne parce que le
crack - qui est une base sur le plan chimique - doit être mélangé à un acide
afin que la cocaïne - qui est un sel - puisse se dégager et donc devienne
injectable. Dans la rue, c'est une science fort inexacte. Mais les gens qui
se droguent de cette façon - il y en a beaucoup qui utilisent du jus de
citron, du vinaigre ou de la poudre d'acide ascorbique - s'en tirent
relativement bien et sont devenus à force d'essayer, d'assez bons chimistes.
J'ai interrogé une trentaine de personnes de façon assez détaillée sur la
façon dont ils s'y prennent et j'en ai observé une douzaine environ pendant
qu'ils préparaient leur mixture et qu'ils se l'injectaient. Ce qui m'a le
plus impressionné dans ce que j'ai appris concerne moins ce qui est
sécuritaire ou ce qui ne l'est pas - et permettez-moi d'ouvrir une rapide
parenthèse pour vous dire que cette pratique est beaucoup plus sécuritaire
qu'on pourrait le penser en raison du fait que les utilisateurs savent
parfaitement comment s'y prendre et que les programmes de vulgarisation ont
porté fruit - que les effets du crack sur les gens qui en prennent.
Jusqu'à présent, je n'ai constaté aucun signe de psychose extrême induite
par la cocaïne, même si je sais qu'il y a occasionnellement des cas. Par
exemple, quelqu'un m'a dit que chaque fois qu'il prenait du crack, il voyait
«la police dans les arbres» c'est-à-dire des policiers qui se cachaient dans
tous les arbres desquels on pouvait voir chez lui - de sorte qu'il était
obligé de fermer les persiennes et de se cacher pour que les policiers ne le
voient pas et ne puissent pas venir l'arrêter.
Ce que j'ai par contre constaté, c'est que, chez le gens qui en prennent par
intraveineuse, le crack avait des effets remarquablement calmants et
satisfaisants. Le crack pris de cette façon produit une légère euphorie,
soulage les petites douleurs et les petits maux quotidiens et produit une
certaine sérénité. Cela m'a abasourdi.
Qui donc parmi ces gens qui vivent dans la rue, qui n'ont pas de toit, qui
sont mal compris, méprisés et rejetés, qui vivent dans l'incertitude, qui
donc ne voudrait pas pendant quelques minutes éprouver ce genre d'effet?
Quelques minutes seulement, ne vous y trompez pas, parce que c'est cela
l'effet du crack: une prise ne produit un effet que pendant quelques
minutes, pas même un quart d'heure. Lorsque l'effet a disparu, je pense
qu'on pourrait facilement conduire une voiture, soigner un malade, étudier
un dossier, présenter une requête, faire l'amour, donner à manger au chat ou
faire une promenade. Cela dit en passant, faire une promenade en fumant un
joint pour faire durer les bonnes sensations, c'est l'activité qui prédomine
après une prise chez les gens auxquels j'ai parlé. Dans l'ensemble, tous ces
gens ont un comportement terriblement normal, cela m'a étonné.
Les vérités qu'on nous livre à propos des drogues «dangereuses» - les
drogues illicites - sont souvent des demi-vérités et des mythologies
dangereuses qui sont entretenues par ceux-là qui voudraient continuer à les
voir interdire peu importe le prix. Le danger, c'est que la vérité vraie
concernant les drogues se propage de bouche à oreille, s'apprend par
tâtonnement mais est également disponible dans le monde entier grâce à
l'Internet. Tout ce que les éducateurs, et même les mieux intentionnés,
peuvent dire est suspect si cela valide ne serait-ce qu'un seul mythe.
On utilise des drogues illicites pour bien des raisons: un moment de
tranquillité ou encore assourdir la douleur d'un problème personnel grave,
ne sont que deux de ces raisons. La liste est très longue. La plupart
d'entre elles sont identiques à celles qui justifient l'utilisation de
drogues illicites: la sociabilité, la confiance, le désir de s'intégrer,
affronter les frustrations, le désir de s'évader. Parfois aussi, les gens
ont recours à la drogue simplement parce que la drogue est là; d'autres se
droguent pour chasser l'ennui, pour se sentir normal.
À part le fait de prendre de la drogue simplement pour surmonter ses
problèmes, la principale raison pour laquelle les gens se droguent - dans la
rue et ailleurs - c'est pour essayer de se guérir soi-même, pour soulager
des douleurs psychologiques et physiques - des véritables douleurs; pour
oublier leurs problèmes parce qu'ils n'ont pas trouvé d'autres moyens.
La drogue produit des résultats, et ce qui a été pour moi la révélation
majeure, c'est que le crack est vraiment très efficace. Lorsque j'en ai
parlé à une femme qui avait travaillé dans la rue et qui prenait beaucoup de
crack en le fumant ou par intraveineuse - je l'appellerai Mary -, elle
m'avait écrit ceci:
Je suis très étonnée d'apprendre que vous ne le saviez pas. C'est quelque
chose que je sais d'expérience et c'est également l'une des principales
raisons pour lesquelles il est difficile d'arrêter. Je pense même que le
crack m'a même sauvé la vie à plusieurs reprises, et j'ai le sentiment qu'il
y a là une certaine vérité.
Il est possible que j'ai commencé à prendre du crack et à aimer le crack
parce qu'il m'a plusieurs fois aidée à supporter des périodes de dépression
très grave due à la perte de mes enfants. À de nombreuses reprises, je me
suis trouvée tellement désemparée et en proie à des tendances tellement
suicidaires que pour moi, il n'y avait plus d'issue. Alors, je cédais et,
comme mon esprit était moins obnubilé par le désespoir et par le dégoût que
j'avais de moi-même parce que je consommais, je me suis rendu compte que je
pouvais sortir de ma coquille et de mon milieu.
Pour ceux qui, comme moi, souffrent de dépression clinique, les attributs
antidépressifs du crack se manifestent extrêmement rapidement. L'un des
effets secondaires de la dépression clinique est la tendance à penser
sérieusement au suicide. Si on ajoute à cela tout ce qu'il faut supporter
d'autre dans la vie... alors que le prozac et les autres antidépresseurs
doivent être pris chaque jour pendant un mois avant de faire effet, dans mon
cas le crack agissait instantanément.
Le crack avait cessé de me faire planer bien avant que j'arrête d'en
prendre. Lorsque je commençais à ressentir les effets de la dépression - ces
effets qui se manifestaient très facilement dans mon cas -, il était pour
moi extrêmement important que je «me soigne» par le crack.
J'ai continué parce que j'avais peur qu'en cessant, je finisse par me tuer.
Par ailleurs, plus je me heurtais à l'indifférence des professionnels et du
public, plus j'étais vulnérable à la dépression.
Lorsque Mary prenait du crack, elle était capable d'avoir des relations avec
autrui, des relations qui lui permettaient à la fois de s'aider elle-même et
d'aider les autres. Elle écrivait également ceci:
Parfois, le simple fait de faire preuve de générosité à l'endroit d'autrui
avait une importance considérable pour toutes ces âmes en peine. Cela
donnait un sens à ma vie. Je pouvais aller de l'avant. Je crois que vous
voyez bien comment le fait de réduire le préjudice, entre autres, est une
forme d'amour et que vous comprenez mieux maintenant pourquoi c'est devenu
une partie intégrante de moi-même lorsque je prenais du crack. Le crack
était alors - et c'est du passé maintenant - ma porte de sortie de cet enfer
que je vivais.
L'expérience de Mary n'est pas unique en son genre. Dans son cas, la
différence est qu'elle écrit bien. Je voudrais également signaler que
dix-huit mois seulement après avoir quitté le monde de la rue, elle a
commencé la semaine passée à suivre des cours dans un collège communautaire.
La première chose que je voudrais vous faire valoir, c'est que Mary n'est
pas un cas d'espèce. Il y a en beaucoup comme elle, des gens défavorisés
parce que la drogue qu'ils ont choisie est illicite. En second lieu, il y a
très peu de différences entre Mary d'une part et d'autre part vous ou moi,
nos frères, nos soeurs, nos enfants ou nos petits-enfants. Mary a fait de
mauvais choix, elle a fait des choix stupides, mais qui n'en a pas faits?
Par contre, de mauvaises lois aggravent encore les effets de ces mauvais
choix et dans son cas, il y a eu des séquelles dont certaines sont
irréparables.
Pourquoi ne comprenons-nous pas que de mauvaises lois et de mauvaises
politiques sont nuisibles? Combien de temps encore pouvons-nous, en toute
bonne conscience, constater les horreurs de la guerre livrée contre la
drogue et détourner les yeux comme s'il n'y avait pas d'autres solutions?
Combien de temps encore devrons-nous attendre avant que le gouvernement
admette qu'en ce qui concerne les drogues illicites, la prohibition - qui
est l'une des expériences sociales les plus longues et les plus coûteuses
dans l'histoire de notre civilisation - ne marche tout simplement pas?
Quand allons-nous mettre en place un contexte juridique permettant à ces
personnes qui consomment des drogues de participer à la conduite des
affaires du pays et de jouir équitablement des avantages de la citoyenneté?
Je sais que ce sera quelque chose d'un peu étrange, mais je sais qu'il y a
des gens qui souhaitent pouvoir payer des impôts et être comme les autres.
Quand le gouvernement va-t-il débloquer des fonds suffisants pour répondre
efficacement aux problèmes urbains et non urbains entraînés par
l'inadéquation de nos lois et politiques en matière de drogue?
Je sais que c'est un peu paradoxal de réclamer de l'argent maintenant pour
appuyer des choses qui ne fonctionnent pas en attendant que la situation
puisse se modifier à l'avenir, mais il faut bien faire quelque chose.
Combien de temps allons-nous pouvoir continuer à ignorer la sagesse des pays
européens qui ont montré qu'il existait des moyens humanitaires, efficaces
et rentables de traiter les personnes qui consomment des drogues? Pourquoi
continuons- nous à nous aplatir devant l'autorité morale - la prétendue
autorité morale des États-Unis - par peur? Par peur de quoi? Nous aurions
certainement des choses à apprendre de l'expérience de la Hollande. L'Europe
a été pétrifiée quand la Hollande a commencé à modifier ses lois et à
envisager une autre façon de faire. Mais que s'est-il passé? Est-ce qu'un
pays a envahi la Hollande? Non. Est-ce que quelqu'un l'a obligée à changer
ses lois? Non. Ce qui s'est passé, c'est que d'autres pays ont fait la même
chose et sont même allés plus loin que la Hollande.
Notre position en ce qui concerne l'usage médical de la marijuana a été bien
accueillie aux États-Unis et je pense que c'est un bon signe. La semaine
passée, Santé Canada a publié sa réplique au rapport du Réseau juridique
canadien VIH SIDA sur l'usage de drogue par injection et le VIH SIDA. Cette
réponse est pleine de belles paroles. Il y a longtemps qu'on entend de
belles paroles, mais il n'y a toujours pas d'action.
Certaines formules sont très importantes: «Les utilisateurs de drogues par
injection doivent être traités comme des membres à part entière de la
société qui requièrent et méritent appui, aide et inclusion, et non comme
des criminels qui devraient être isolés des autres.» C'est écrit dans le
document. «De nouvelles mesures de réduction des méfaits doivent être
élaborées.» On ajoute encore que des mesures doivent être élaborées,
expérimentées et adaptées pour être mises en oeuvre au Canada comme elles
l'ont été dans d'autres pays, et que la participation des personnes qui
utilisent des drogues et des réseaux d'utilisateurs de drogues est
essentielle pour réduire les méfaits de l'utilisation de drogue par
injection.
Tout cela ce sont de très belles paroles, mais où est le plan d'action? Il
n'y en a pas.
L'inaction persistante du gouvernement à l'égard de la santé et du bien-être
des personnes qui consomment des drogues est criminelle, et des citoyens
continuent de souffrir et de mourir à cause de cette inaction. La situation
ne peut qu'empirer. Les principales causes des méfaits liés à la drogue sont
les lois elles-mêmes et le climat d'ignorance, d'apathie, d'indifférence et
de crainte qu'elles ont suscité. C'est à cause de ces lois qu'il n'y a pas
de plan.
Il faut absolument autoriser la prescription d'héroïne et fournir des salles
permettant aux personnes de s'injecter des drogues de façon sécuritaire. Ce
sont des étapes intermédiaires, mais elles sont insuffisantes et ne seront
jamais aussi omniprésentes que les drogues elles-mêmes.
Les Canadiens qui consomment des drogues illicites continuent d'être
infectés par le VIH et le VHC en pourcentage beaucoup plus élevé que les
autres membres de la population à cause de nos mauvaises lois. À cause de
ces mauvaises lois, ces citoyens sont précipités dans la voie du crime et
l'incarcération.
Ce n'est ni leur rêve, ni leur vision, ni leur espoir d'avenir. Ce sont des
gens qui sont stigmatisés, marginalisés et ostracisés de façon très injuste.
Le traitement des personnes qui consomment des drogues illicites est l'une
des plus grandes faillites de notre système de santé, de services sociaux et
de justice. Il faut que cela change et nous avons besoin de votre aide pour
cela. Il est remarquable que vous soyez ici à nous écouter, et nous vous en
sommes infiniment reconnaissants.
Enfin, je vous invite à venir avec moi rencontrer certaines de ces personnes
qui ont été victimes de nos lois pour les entendre vous dire directement ce
qu'elles ont à dire, non pas collective ment, mais individuellement, et les
écouter en tant qu'observateurs et concitoyens désireux d'apprendre.
Cette expérience a changé et réorienté toute ma vie. Je suis profondément
convaincu que l'humanité des personnes avec lesquelles j'ai travaillé et que
j'ai appris à connaître aura une profonde influence sur vous et sur vos
délibérations.
Je terminerai, comme je le fais souvent, par les paroles du rabbin Hillel
inspirés du Talmud, que je vous invite à méditer dans votre coeur.
Le rabbin demande: Si ce n'est pas nous, qui? Si ce n'est pas comme ceci,
comment? Si ce n'est pas maintenant, quand?
Le président: Merci, monsieur Cavalieri.
Avant de passer aux questions, il convient de préciser que le comité se
préoccupe actuellement du cannabis.
M. Cavalieri: On ne me l'a pas précisé quand on m'a téléphoné.
Le président: Peut-être le Sénat chargera-t-il à l'avenir notre comité
d'étudier d'autres drogues, mais ce n'est pas le cas actuellement. Il est
évident que nous entamerons le dialogue avec les Canadiens lorsque nous en
arriverons à cette étape de notre étude.
M. Cavalieri: Le cannabis n'a pas été le principal objectif des
organisations et des personnes que je représente. Elles s'occupent d'autres
drogues illicites et je ne suis pas prêt à parler du cannabis
particulièrement, sauf pour appuyer globalement ce qu'Allan avait à dire.
Le président: De toute façon, dans nos travaux, nous n'avons jamais dit non
à un témoin qui voulait parler d'une autre drogue illicite.
M. Cavalieri: Merci de m'avoir laissé continuer quand j'ai pris la parole.
Le sénateur Milne: Je voudrais vous poser une question sur le Toronto Harm
Reduction Task Force, car je n'ai pas très bien compris dans votre exposé ce
que faisait ce groupe ni comment il était constitué.
M. Cavalieri: Oh, j'ai sauté cela.
Le sénateur Milne: Ce sera donc ma première question. Je vais vous soumettre
toutes mes questions ensemble pour que vous puissiez ensuite y répondre.
Je ne sais pas trop comment vous définissez l'expression «de façon
sécuritaire» ni dans quelle mesure ces personnes sont conscientes de
l'environnement, les sans-abri qui vivent sous les ponts et dans la zone de
Don Valley sans installations sanitaires ou autres. J'imagine que votre
définition de «sécuritaire» n'est pas tout à fait la même que celle de la
majorité des gens.
La marijuana est-elle la drogue préférée de certains de ces sans-abri avec
lesquels vous êtes en contact, et est-elle responsable de la situation dans
laquelle certaines de ces personnes se trouvent?
M. Cavalieri: Le groupe de travail a été constitué il y a environ cinq ans à
la suite d'une audience de l'évêque anglican de Toronto pour examiner
l'usage de drogues - en particulier le crack - dans le voisinage d'une de
ses églises où cela était devenu un véritable problème.
Le groupe est constitué de diverses personnes, y compris des utilisateurs de
drogue actifs mais aussi des représentants de divers organismes, Santé
Canada, le CTSM, l'hôpital St. Michael's et des cliniques de quartier. Notre
objectif est d'élaborer et de promouvoir des stratégies conformes à
l'objectif de notre société qui est de développer le bien commun en appuyant
les principes de la santé publique et de la justice sociale.
Nous sommes financés par le SCPI pour étudier la question de la réduction
des méfaits et essayer de maintenir ces personnes dans un logement pour leur
éviter la misère de devenir sans-abri à cause de leur toxicomanie.
Quand je parle de conditions de sécurité, il ne s'agit pas de ma définition
de la notion de «sécurité». Je ne m'attendais certaine ment pas à être en
sécurité dans les endroits où je suis allé, surtout la nuit. Et quand j'y
suis allé la nuit, je ne me sentais pas vraiment en sécurité. Il s'agissait
de la sécurité de leur point de vue. Ils se sentaient à l'abri des
observateurs curieux ou hostiles, à l'abri du harcèlement, à l'abri parce
qu'ils étaient entre eux, qu'ils n'étaient pas harcelés ou agressés.
En ce qui concerne la consommation de marijuana, je pense qu'ils en
consomment pour la plupart, mais ce n'est pas une passerelle vers d'autres
drogues. On peut bien dire que la plupart des gens qui fument de la
marijuana finissent par fumer du crack, de la cocaïne ou autre chose. On
peut dire la même chose à propos du café. La plupart des gens qui boivent du
café - la plupart des gens qui fument de la marijuana ont bu du café avant
de passer à la marijuana. Vous savez, je ne crois pas à la théorie de la
passerelle, et je ne l'ai certainement jamais constatée.
Je crois que toutes les personnes que j'ai rencontrées - je ne me souviens
pas d'une seule qui n'en ait pas consommée, mais ce n'est absolument pas un
problème dans leur existence. Le problème, ce sont les autres drogues et le
fait qu'elles ne peuvent pas se faire soigner comme il faut. Ces personnes
ne peuvent pas se faire traiter correctement lorsqu'elles ne se sentent pas
bien. Elles sont marginalisées, elles doivent supporter des situations
déplorables dans les hôpitaux et les cliniques. Pour pouvoir être soignées,
elles doivent commencer par cesser de consommer de la drogue. La marijuana
est une réalité pour ces personnes, mais ce n'est certainement pas un
problème ni une passerelle vers d'autres drogues.
Le président: J'aurais une question. On a beaucoup parlé de pharmaciens et
pharmacologues, mais personne ne nous a parlé de cocaïne épurée, ou crack.
Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit?
M. Cavalieri: La cocaïne épurée est une cocaïne qu'on mélange à du
bicarbonate de soude, je crois, et qu'on chauffe pour obtenir une pâte. On
obtient alors de la cocaïne épurée, ou «rock», qui se fume. C'est ce que
l'on appelait autrefois la freebase.
Pour pouvoir l'injecter, il faut la reconvertir en sel. On la mélange avec
un acide. Base plus acide égale sel plus eau.
Les acides de choix dans cette ville sont le jus de citron et le vinaigre -
du vinaigre qu'ils trouvent chez McDonald's; du jus de citron qu'on trouve
dans les petits contenants en plastique, ou de l'acide ascorbique qui est
une poudre distribuée par les travailleurs des services d'approche de santé
publique ou d'autres organismes.
Quand on mélange les deux produits dans les bonnes proportions, ce qui n'est
pas facile parce qu'on ne connaît pas la force réelle du crack, qui est
tellement frelaté qu'on peut se tromper sur la force du vinaigre ou du jus
de citron, mais dans le cas de l'acide ascorbique, c'est assez clair - on
obtient un liquide qu'on pompe dans la seringue et qui est injecté comme de
la cocaïne.
D'après ce que les gens me disent, l'effet semble plus rapide, plus efficace
que celui du produit fumé, mais l'extase est très brève.
Une des initiatives auxquelles j'ai participé l'an dernier a consisté à
aller rencontrer des personnes dans la rue pour essayer de les convaincre de
choisir les pipes à crack plutôt que de s'injecter la drogue. Ces pipes pour
fumer le crack sont beaucoup moins dangereuses que l'injection. Même si
elles présentent certains risques, ceux-ci sont bien moindres que ceux de
l'injection. Nous sommes allés dans les rues pour expliquer aux utilisateurs
qu'il valait mieux fumer la drogue. Je n'ai pas l'impression que cela ait
servi à grand-chose.
Le président: Apparemment, le prix serait inférieur à celui de la vraie
cocaïne?
M. Cavalieri: C'est très bon marché. Il est très difficile de se procurer de
la vraie cocaïne à Toronto actuellement, sauf si on est riche et si on a
quelqu'un qui est prêt à la livrer à domicile, mais les gens qui vivent dans
la rue peuvent se procurer du crack pour 10 ou 20 $. Pour 30 $, ils en ont
beaucoup. La dose typique de crack - je crois que c'est deux dixièmes de
gramme - coûte 10 $. Ce n'est pas grand-chose, mais bien souvent cela ne
vaut pas grand-chose non plus.
Le président: Si les attachés de recherche pensent à d'autres questions,
nous poursuivrons cet échange par écrit.
M. Cavalieri: Parfait. Je suis à votre disposition.
Le président: Estimez-vous qu'il y a contradiction entre interdiction et
réduction des méfaits? Y a-t-il là un problème philosophique fondamental ou
est-il possible de faire coexister les deux?
M. Cavalieri: Je pense que cette coexistence va devoir se poursuivre car je
ne pense pas que la prohibition disparaisse, en tout cas de mon vivant.
D'ici là, il est absolument essentiel pour la santé d'avoir des mesures de
réduction des méfaits. C'est un impératif social et moral d'aider les
personnes à ne pas mourir quand elles sont prêtes à poursuivre leur
existence et peut-être à faire de meilleurs choix.
Le président: Au début de votre témoignage, vous avez parlé de cliniques
d'injection comme celles qui existent déjà en Suisse.
M. Cavalieri: Oui.
Le président: C'est de cela que vous parliez?
M. Cavalieri: En Suisse et en Australie. Et c'est quelque chose qu'on
envisage aussi dans d'autres pays. On en parle aussi beaucoup ici, au plan
national et à divers paliers.
Le président: Pour éclairer notre lanterne, pourriez-vous expliquer à mes
collègues en quoi consistent ces cliniques?
M. Cavalieri: Il y a diverses raisons pour lesquelles des personnes se
blessent ou meurent en consommant des drogues. Il y a notamment le fait
qu'elles sont souvent seules, et aussi le fait qu'elles ignorent la force de
la drogue qu'elles consomment parce que c'est encore une fois une variable
sur laquelle elles n'ont aucune certitude. Il y a encore le risque de
surdose et aussi le danger présenté par des pratiques malsaines, non
hygiéniques.
C'est pourquoi dans certains pays - en Suisse au départ, mais aussi
maintenant dans d'autres pays comme l'Allemagne, avec Francfort -, on a mis
à la disposition des personnes qui se droguent des endroits sûrs et
confortables. Ce sont des endroits bien éclairés, ce qui n'est souvent pas
le cas ailleurs. Il y a des seringues propres et d'autres équipements, ce
qui n'est pas non plus le cas ailleurs. Il y a de l'eau propre et c'est une
nécessité. Enfin, il y a des gens prêts à intervenir au cas où il se
passerait quelque chose.
Si une personne a du mal à trouver une veine, ce qui est un problème
fréquent chez les personnes qui se font des injections fréquentes, il y a
des infirmiers ou infirmières qui peuvent l'aider à trouver d'autres veines,
lui montrer où sont les bonnes veines et comment se faire une piqûre sans
danger.
Ces dispositifs sont là pour aider ces personnes à maintenir leur santé et
les sortir de la rue car croyez-moi, ce n'est pas très drôle de voir
quelqu'un se piquer. Cela me dérange; je trouve que c'est quelque chose de
trop intime à regarder. C'est un acte privé. Grâce à ces cliniques, les
personnes peuvent s'en aller de la rue et se réfugier dans des endroits où
elles ne sont pas l'objet du dégoût, du mépris, des sarcasmes ou du
harcèlement d'autrui et où elles peuvent s'injecter leur drogue dans de
bonnes conditions.
Il s'agit généralement d'installations cliniques, mais j'ai entendu parler
d'une clinique en Hollande, que j'ai trouvée sur Internet, où il y a un
salon où les personnes peuvent se détendre après s'être injectées la drogue.
Il est interdit d'y faire le commerce de la drogue, mais les gens y
établissent des contacts. Ils échangent quelques mots, même s'ils ne restent
pas bien longtemps. Mais c'est une façon d'établir des réseaux et un accès
au système de soins de santé qui est beaucoup plus positive que le rejet et
la condamnation.
Le président: Je ne vois pas d'autres questions, et je souhaite donc vous
remercier infiniment, monsieur Cavalieri.
M. Cavalieri: Merci beaucoup.
Le président: Au besoin, nous vous transmettrons quelques autres questions.
M. Cavalieri: Très bien. Et mon invitation tient. Je serais vraiment très
heureux de vous emmener rencontrer ces personnes.
Le président: Notre témoin suivant est Mme Margaret Stanowski. Vous pouvez
faire votre déclaration initiale, et nous vous poserons ensuite des
questions.
Mme Margaret Stanowski, directrice générale, Spring board: On m'a aussi
demandé de présenter Wanda McPherson, qui est à ma droite. Elle pourra
répondre aux questions précises que vous pourriez nous poser sur notre
programme.
Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous décrire le travail de
Springboard à Toronto auprès de près de 2 000 jeunes et adultes accusés
d'infractions liées au cannabis. Depuis plus de 30 ans, Springboard élabore
et administre des programmes de formation visant à prévenir et à réduire la
criminalité. Dans 15 endroits de l'Ontario, nous avons plus de 400 bénévoles
qui aident chaque année 9 000 contrevenants, jeunes ou adultes, et des
personnes risquant d'avoir des ennuis avec la justice.
En 1997, dans le projet de loi C-41, à l'article 717, on a officialisé des
mesures de remplacement pour les personnes accusées de simple possession de
cannabis. En mai 1998, avec des fonds d'amorçage du ministère de la Justice,
Springboard a commencé à administrer un programme de déjudiciarisation des
problèmes de cannabis chez les adultes au palais de justice de l'ancienne
mairie de Toronto. Justice Canada a aussi appuyé un programme de
déjudiciarisation du cannabis pour les jeunes de 12 à 17 ans en avril 2000.
Grâce à des programmes spécialisés pour les procureurs de la Couronne et à
la mise en place de formules de remplacement justifiées comme des placements
de service public, la déjudiciari sation a beaucoup progressé. En général,
les procureurs fédéraux de la Couronne sont favorables à la
déjudiciarisation uniquement pour les personnes faisant l'objet d'une
première accusation, mais en cas de récidive, le jeune ou l'adulte fait
l'objet de poursuites pénales.
Les procureurs sélectionnent les personnes destinées à un programme de
déjudiciarisation et les renvoient au personnel de Springboard. Dûment
conseillés par leur avocat ou leur avocat de service, les jeunes et les
adultes sont acceptés dans le programme une fois qu'ils ont reconnu leur
responsabilité dans l'infraction et accepté d'accomplir de 25 à 40 heures de
service public.
Suivant le cas, les participants peuvent avoir accès à des services tels que
l'éducation sur les drogues, la formation à l'emploi ou la formation
professionnelle. Lors des décisions de déjudiciarisation, on tient compte
des problèmes de santé physique ou mentale ainsi que du contexte culturel et
linguistique de l'accusé.
Une fois que le procureur a approuvé la mesure de déjudiciarisation, le
procès est ajourné à deux mois afin de permettre à la personne d'exécuter la
tâche qui lui est assignée dans le cadre de la déjudiciarisation. Lorsque le
procès reprend, si cette tâche a été exécutée, l'accusation est retirée.
Sinon, le procès suit son cours.
Nous avons obtenu un appui public à des mesures de déjudiciarisation dans le
cas des infractions liées au cannabis en faisant participer progressivement
des personnes, des groupes et des organismes qui n'avaient
traditionnellement pas de rapports avec le système judiciaire. Nous nous
sommes efforcés de faire participer des groupes et des personnes du
voisinage à l'élabora tion et à la supervision des projets de service public
et des placements auprès de sans-abri et de personnes défavorisées.
Nos propres recherches sur l'intérêt du public, confiées en 1997 à M. Tony
Doob du centre de criminologie de l'Université de Toronto, ont confirmé que
le grand public était en faveur de mesures de remplacement efficaces plutôt
que des recours judiciaires officiels tels que le tribunal ou la prison si
ces mesures débouchaient sur des résultats probants et étaient correctement
exécutées par les jeunes et les adultes.
Je vais maintenant vous présenter quelques faits saillants des programmes de
déjudiciarisation exécutés par Springboard. Ces faits saillants vont du 1er
mai 1998 au 30 juin 2001. Au cours de cette période, nous sommes intervenus
auprès de 1 869 jeunes et adultes. Ces personnes ont accompli plus de 53 000
heures de service public. Plus de 3 000 témoins policiers n'ont pas été
obligés de comparaître devant les tribunaux pour adultes. Quelque 180
organismes et groupes communautaires ont participé à la conception et à la
supervision des projets de service public des participants au programme de
déjudiciarisation. Le taux de respect des exigences du programme a été de 92
p. 100 chez les participants.
Des recherches indépendantes financées par Justice Canada et menées par
l'Université polytechnique Ryerson polytechnique auprès de 665 participants
à des programmes de déjudiciarisation ont confirmé que 32 personnes
seulement, soit 5 p. 100, avaient fait l'objet d'une autre condamnation
pénale; et six seulement pour une infraction identique ou analogue.
Qu'est-ce que cela signifie pour votre comité? Cela signifie que ce modèle
de déjudiciarisation permet effectivement de décriminaliser les infractions
pour simple possession de cannabis. Des recherches indépendantes confirment
le succès et le bien-fondé de cette démarche.
Axés sur la communauté, ces programmes ont aussi des retombées
encourageantes: ils permettent d'intervenir de façon précoce pour éviter à
une personne de faire l'objet de poursuites pénales pour avoir enfreint les
lois canadiennes, avec les conséquences que cela a au niveau du casier
judiciaire ou des voyages internationaux. Ils permettent une intervention
précoce et une éducation sur les drogues. Ils permettent à la société de
bénéficier de l'accomplissement d'un service public et ils servent à
mobiliser l'appui et la participation du public au fonctionnement du système
pénal. Ils permettent à des individus d'alimenter les ressources de la
collectivité en s'en rapprochant. Enfin, ils allègent le fardeau des
tribunaux qui peuvent s'occuper de questions plus graves.
Springboard a aussi accompli un objectif essentiel qui était d'obtenir un
appui à des interventions policières différentes des interventions
traditionnelles face aux cas de possession de cannabis. Le ministère de la
Justice examine maintenant une proposition de programme de renvoi du service
de police de Toronto en vertu de laquelle au lieu d'accuser un jeune pour
une infraction de simple possession de marijuana, par exemple, on le
confiera à Springboard qui établira un programme accompagné d'une reddition
de comptes, par exemple un programme d'éducation sur les drogues, de service
public ou de counselling sur des problèmes.
D'autres témoins érudits peuvent expliquer au comité les conséquences de
l'utilisation du cannabis et d'autres questions actuellement à l'étude. Pour
ma part, je peux soumettre au comité ces quatre remarques et
recommandations.
Premièrement, il faudrait appuyer, disséminer et financer des programmes de
déjudiciarisation et de meilleures pratiques pour éviter de criminaliser la
simple possession de cannabis car ces programmes ont des résultats probants
et peu coûteux, sont appuyés par le public et peuvent éviter à un accusé
d'avoir un casier judiciaire.
Deuxièmement, le comité du Sénat peut encourager un plus vaste recours aux
options de déjudiciarisation prévues par les lois actuelles, par exemple
l'article 717 du Code criminel, la discrétion actuelle des policiers, et il
peut aussi se déclarer en faveur des dispositions de la nouvelle Loi sur le
système de justice pénale pour les adolescents dans le cas des affaires
extrajudiciaires.
Troisièmement, il faudrait réévaluer les critères fédéraux actuels
concernant les mesures de remplacement. Parmi les exemples à réexaminer,
citons l'exclusion de nombreux contrevenants accusés pour la première fois,
l'inclusion d'autres substances réglementées telles que l'ecstasy et la
possibilité d'un programme de déjudiciarisation pour les personnes
soupçonnées ou accusées de ces infractions.
Enfin, compte tenu de la réussite des programmes de déjudiciarisation
postérieurs à la mise en accusation qui sont bien exécutés, le comité
sénatorial pourrait renforcer l'appui à des initiatives policières
antérieures à la mise en accusation dans le cas de simple possession de
cannabis. Toutefois, cela ne pourra se faire que s'il existe d'autres
solutions et programmes tels que des programmes d'éducation sur les drogues
et une possibilité pour les policiers d'y accéder rapidement dans le cadre
de partenariats.
En conclusion, les programmes de déjudiciarisation de Spring board
représentent une attitude raisonnable face aux infractions pour usage de
cannabis et permettent de déjudiciariser les problèmes sans inquiéter le
public. Ces stratégies encouragent la mise en place de programmes de
prévention dans le cadre de partenariats locaux et permettent à la
collectivité de mieux faire face aux problèmes de l'utilisation d'autres
drogues illicites plus inquiétantes.
Le sénateur Di Nino: Monsieur le président, j'aimerais faire une brève
remarque au nom de la transparence et de la pleine divulgation.
J'apporte mon appui à Springboard depuis de nombreuses années. Je connais
très bien et j'approuve ce que fait cette organisation. Je pensais qu'il
m'incombait de bien le préciser. Plus tard, si j'en ai le temps, j'aimerais
intervenir dans les questions, mais j'ai estimé qu'il m'incombait de
préciser cela officiellement.
Le président: C'est une excellente chose.
Le sénateur Milne: Madame Stanowski, le programme de Springboard concerne
uniquement les utilisateurs de cannabis?
Mme Stanowski: C'est exact.
Le sénateur Milne: Et vous pensez qu'il faudrait l'élargir à des drogues
comme l'ecstasy?
Le taux de récidive et les statistiques que vous mentionnez sont très
impressionnants. Le chef de la police nous a dit tout à l'heure tout le bien
qu'il pensait de ce programme. C'est une décriminalisation «de facto» de la
possession de marijuana.
Mme Stanowski: Oui.
Le sénateur Milne: Cet exposé tombe à point. Je vous en félicite car vous
avez parlé de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les
adolescents et mon comité va justement l'examiner dès notre retour à Ottawa
la semaine prochaine.
Quel genre de groupes communautaires faites-vous participer à cette
initiative? Vous dites que vous avez intégré ces groupes progressivement?
Mme Stanowski: Oui. C'est pour cela que j'ai amené avec moi la personne qui
s'occupe directement de l'administration du programme. Wanda?
Mme Wanda McPherson, surveillante, programmes de déjudiciarisation de
Springboard: Nous avons eu de la chance. Environ 180 organismes collaborent
actuellement avec nous et nous aident à placer les personnes qui font du
travail communautaire.
Il y a aussi le Service des loisirs et des parcs, et nous avons de nombreux
sites dans la région du Grand Toronto. Il y a les refuges pour itinérants et
le programme «Out of the Cold», un programme d'accueil des sans-abri en
hiver. Nous avons des jardins communautaires, des soupes populaires, des
églises, des temples et des mosquées. Nous avons des théâtres
communautaires, des clubs de garçons et de filles, des garderies et des
résidences pour personnes âgées.
Il y a une foule d'endroits où l'on peut placer les personnes chargées de
faire un travail bénévole. En fait, nous ciblons à peu près tous les
services sociaux imaginables dans la collectivité.
Nous tenons à nous assurer que les placements sont utiles pour tout le
monde. Si l'on fait effectuer un travail bénévole dans des endroits où il y
a un problème particulier, on règle deux problèmes d'un seul coup
Le sénateur Milne: Vous avez commencé avec un financement d'amorçage du
ministère de la Justice. Comment êtes-vous financés maintenant, car c'était
il y a plusieurs années? Vous recevez des dons?
Mme Stanowski: Oui, et bien d'autres choses encore. Comme je l'ai dit, nous
avons commencé avec une subvention de démarrage. Le programme est financé en
ce moment - et j'ajoute que c'est parfois très difficile au niveau de la
gestion des fonds - par sept sources différentes, et il y a notamment un
droit pour le service que paient les adultes participant à ce programme de
déjudiciarisation.
Le sénateur Milne: Ce programme est présent dans tout le Toronto
métropolitain. Avez-vous installé des antennes dans d'autres villes
ontariennes?
Mme Stanowski: Oui. Nous travaillons en très étroite collaboration avec la
société Elizabeth Fry de la région de Peel; cette société gère également un
programme très complet pour jeunes et adultes qui est semblable au nôtre.
D'un océan à l'autre, on fait très souvent appel à nous pour reproduire
notre formule. Il y a des obstacles à l'exportation de notre formule. Il y a
beaucoup de monde à Toronto qui sont inculpés de ce genre d'infraction. Dans
les régions plus rurales, on fait appel à des procureurs de la Couronne.
Nous voulons à l'avenir porter nos efforts sur les interventions policières,
de telle sorte que l'on puisse intervenir au moment où l'infraction a lieu
et non lorsqu'on porte des accusations, ce qui évitera peut-être au jeune ou
à l'adulte de faire plusieurs milles pour se rendre à un autre tribunal.
Nous croyons qu'en ces matières, plus l'intervention est opportune, plus son
effet est durable.
Le sénateur Milne: Eh bien, là je ne comprends pas très bien. Dans les
petits centres, vous vous concentrez sur l'intervention policière.
Voulez-vous dire que, au lieu de porter des accusations, la police va
proposer que l'auteur de l'infraction fasse des travaux communautaires et
qu'il rende des comptes à la police?
Mme Stanowski: Oui. C'est notre but. Le but de ce programme consiste à
valoriser l'intervention policière au lieu de porter des accusations au
criminel contre des personnes coupables de simple possession de cannabis.
Le sénateur Milne: Donc, dans les faits, vous éduquez les services
policiers?
Mme Stanowski: Eh bien, nous avons constaté que le mot «graduel» est
important. À mon avis, la police doit avoir la preuve que des programmes
comme celui-ci permettent de réduire la récidive. Nous en sommes au point où
le Service de police de Toronto et Springboard ont proposé l'instauration de
ce modèle pré-accusatoire à Toronto pour en faire un modèle pour le reste du
pays.
Le sénateur Milne: Mes félicitations.
Le président: Madame Stanowski, pouvez-vous nous dire qui sont vos clients?
S'agit-il de récidivistes? S'agit-il de personnes qui consomment pour la
première fois? Quel âge ont-ils?
Mme McPherson: Le profil de notre clientèle est étendu. Je vois des gens de
l'âge de 13 ans jusqu'à... Je crois que mon consommateur de cannabis le plus
âgé avait 86 ans. C'est la première fois que ces gens sont inculpés d'une
infraction et il s'agit toujours de petites quantités - ce sont donc les
personnes qui ont en leur possession 30 grammes ou moins qui sont
admissibles au programme.
La plupart des gens qui sont inculpés sont dans la catégorie 18-24 ans, il
s'agit donc de jeunes gens. La plupart d'entre eux sont à l'université, au
collège ou à l'école secondaire, et ils consomment cette drogue à des fins
récréatives. C'est ainsi qu'ils qualifient leur consommation.
Il y a très peu de participants à notre programme qui ont dit que leur
consommation de marijuana leur causait des problèmes, et dans ces cas-là,
nous les avons évidemment dirigés vers d'autres programmes. Mais la plupart
des gens semblent avoir un travail ou aller à l'école, et ils consomment la
marijuana dans un but récréatif.
Le président: Ce serait donc la première fois qu'ils seraient traduits en
justice?
Mme McPherson: C'est la première fois qu'ils ont des démêlés judiciaires, et
on nous les a référés.
Le président: Votre clientèle doit donc être très étendue; si j'en juge par
les données que nous avons, c'est une clientèle très variée.
Mme McPherson: Oui. Les tribunaux des régions environnan tes n'ont pas de
procureurs fédéraux, donc tout ce qui vient de Scarborough et des autres
districts aboutit au palais de justice du Old City Hall. Donc, oui, nous
avons une clientèle considérable. Nous gérons un volume très élevé.
Nous voyons les gens dès leurs premières dates de comparu tion. Donc, avant
que la prochaine date de comparution soit fixée, nous les rencontrons et
nous leur expliquons la nature de notre programme de telle sorte qu'ils
puissent prendre une décision informée. Nous leur donnons le droit de
consulter un avocat sur place, pour qu'encore là, ils puissent prendre une
décision informée.
Le président: Quand la police fait-elle appel à vous? Intervenez-vous après
l'arrestation? Ou fait-elle appel à vous avant qu'elle ait décidé de
procéder à une arrestation, et au lieu d'intervenir, elle vous envoie à sa
place?
Mme McPherson: C'est cela.
Le président: Votre organisation fait-elle de la prévention dans les écoles
et les collèges?
Mme Stanowski: Oui.
Le président: Vous éduquez les jeunes?
Mme Stanowski: Oui. C'est un aspect important de notre programme.
Le président: La prévention?
Mme Stanowski: La prévention et la sensibilisation à un jeune âge, avant que
les jeunes n'aient la possibilité de consommer des drogues.
Un modèle post-accusatoire de dépénalisation de la simple possession de
marijuana témoigne d'une approche graduelle, d'un soutien et d'une réussite.
Nous avons constaté qu'une fois que la police voit bien qu'un modèle de
déjudiciarisation post-accusatoire permet encore une fois de dépénaliser
cette infraction, elle est plus susceptible de prêter son concours à une
intervention immédiate.
Le président: Pré-accusatoire.
Mme Stanowski: Une déjudiciarisation pré-accusatoire. C'est le but de notre
programme depuis quatre ans.
Le président: Vous serait-il possible de nous donner plus de détails sur
l'aspect préventif de votre travail?
Mme Stanowski: Oui.
Le président: Nous avons quelques pages ici, mais j'aimerais lire un texte
plus complet sur la façon dont vous travaillez.
Quels sont vos buts? Comment s'assure-t-on que ces buts sont atteints? Sans
vouloir minimiser les efforts que vous déployez après l'intervention
judiciaire, je m'intéresse davantage aux aspects préventifs. Nous avons des
données qui prouvent que 63 p. 100 des jeunes Torontois consomment une
drogue ou davantage. C'est un gros problème. Cela se voit ici ainsi qu'à
Montréal et à Vancouver. J'aimerais en savoir davantage sur la prévention.
Êtes-vous en train de dire que vous remplacez la police? La police va déjà
dans les écoles. Personnellement, je ne crois pas que la police devrait
aller dans les écoles pour expliquer ce qui doit être un comportement
normal. Je pense qu'il faut accorder plus d'importance à ce que vous faites.
C'est mon avis à moi.
Donc pouvez-vous nous fournir des textes plus complets?
Mme Stanowski: Oui, absolument. Nous serons heureux de le faire.
Le sénateur Di Nino: Margaret, je pense que c'est le temps de faire un petit
boniment.
L'une des difficultés - et cela n'est pas propre à votre organisation -
tient au fait qu'un grand nombre d'organisations ont du mal à trouver les
ressources voulues pour faire leur travail.
Je veux bien nous faire un peu de publicité. Demain matin, à l'aube,
certains d'entre nous vont essayer de faire une partie de golf de 100
trous - c'est-à-dire 14 ou 15 heures de golf - avec un certain nombre de
commanditaires. C'est la septième année consécutive que nous essayons de
recueillir des fonds ainsi, et ça marche très bien. Nous avons réuni 75 000
$, 80 000 $ et 85 000 $ chaque année.
N'êtes-vous pas d'accord pour dire que cela pose encore un problème
considérable pour Springboard et d'autres organisations semblables?
Mme Stanowski: Oui. C'est tout un défi pour nous à l'heure où il y a tant
d'organisations qui sollicitent les mêmes subventions. Pour un travail comme
celui-ci, à moins d'avoir une loi habilitante, à moins qu'il ne s'agisse
d'une exigence législative, les gouvernements ne se croient pas obligés de
nous financer. Nous devons donc compter sur le soutien non gouvernemental
pour réunir des fonds.
Pour un travail comme celui-ci, sans financement de base, une organisation
comme la nôtre est très vulnérable. Nous devons donc compter sur le
dévouement de gens comme Wanda, sur notre passion et notre conviction, et
chose certaine, sur l'initiative de mécènes comme le sénateur Di Nino qui
font des collectes publiques pour soutenir notre effort.
Il est parfois difficile de réunir des fonds pour la prévention parce que,
c'est le cas pour la santé, le système de justice pénale et la consommation
de drogues, on n'en voit pas les effets immédiats. C'est un processus à long
terme.
Donc, encore une fois, je vous remercie de mentionner cela parce que nous
avons en effet beaucoup de mal à trouver un financement de base pour de tels
programmes.
Le président: Depuis la naissance de votre programme, quelle part de votre
budget est consacrée à l'évaluation de vos résultats et qui effectue ces
évaluations?
Mme Stanowski: Le ministère de la Justice du Canada a recruté des chercheurs
indépendants. Dans le cas de notre programme de déjudiciarisation pour les
adultes accusés de possession de cannabis, le ministère a débloqué des
crédits distincts qu'il a versés directement à l'université. Notre program
me pour les jeunes attend une évaluation indépendante. Nous n'y consacrons
donc pas un sou de notre budget étant donné qu'une évaluation doit être
indépendante, et l'université fait une demande séparée pour effectuer
l'évaluation.
Le seul commentaire que j'ajouterai à ce sujet, c'est que ces subventions à
la recherche devraient être versées au début de la mise en oeuvre de ces
programmes. Souvent, ces initiatives sont entreprises en cours de route ou
après coup.
Le président: Bien sûr. Vous serait-il possible de nous communiquer ces
rapports d'évaluation?
Mme Stanowski: J'ai remis au greffier le sommaire d'une étude sur le
programme de déjudiciarisation pour des adultes; je lui transmettrai le
texte complet. Dès que la recherche sur le programme de déjudiciarisation
pour jeunes sera complétée, je vous enverrai ce rapport aussi.
Le président: Les évaluations vous contraignent-elles à modifier vos buts ou
à les adapter?
Mme McPherson: Non. Cela nous a beaucoup surpris. La première évaluation qui
a été faite a été très surprenante parce que nous avons justement réuni les
données dont nous avions besoin. Il faut toujours apporter quelques
changements.
Je crois que Marg et son entourage avaient tellement bien pensé ce programme
que, dès que nous avons entrepris sa mise en oeuvre, nous savions exactement
ce que nous faisions et comment nous voulions procéder. Les seuls
changements que nous avons dû faire avaient trait au fait que les
perspectives changent beaucoup dès qu'on se met à oeuvrer au sein du système
de justice pénale. Nous avons dû nous adapter aux horaires des autres et à
un système différent. Mais je crois que nos buts sont restés pas mal les
mêmes et que nous les avons atteints.
Le président: Vous a-t-on demandé d'exporter votre programme?
Mme Stanowski: Oui. Vancouver attend justement qu'on fasse quelque chose.
Le président: C'est vous qui voulez exporter ou est-ce qu'on vous en fait la
demande?
Mme Stanowski: Oui. D'ailleurs, la reproduction de notre modèle fait partie
de l'une de nos orientations stratégiques essentielles. Il y a des pratiques
exemplaires à imiter.
Nous avons inscrit dans notre praxis une conviction qui remonte à il y a 30
ans: Il faut faire participer le public à ce qu'on fait, lui donner une voix
dans la conception et la mise en oeuvre de tels programmes.
Il nous tarde de reproduire notre modèle, nous pourrions même le franchiser.
Cela nous permettrait peut-être de trouver une source de financement de plus
pour soutenir cet effort.
Le président: Je constate qu'il n'y a plus de questions. Merci beaucoup.
Nous allons lire vos textes avec intérêt.
La séance est levée.
Commentaires
Est-il possible de faire une overdose de Cannabis ? Oui mais...
Soumis par Zappiste le 11 janvier 2021 - 08:09
L’idée de pouvoir subir une dose létale de cannabis est l’une des plus
anciennes fausses idées concernant cette plante. Contrairement à ce que l’on
a pu vous dire, il est impossible d’atteindre la limite létale.
Alors que l’on associe sous l’overdose aux drogues, il est possible de faire
une overdose de tout ce qui existe.
Trop de café ? Overdose possible. Trop d’eau ? La surhydratation est une
réelle menace. La possibilité d’une overdose n’est cependant pas toujours
synonyme d’overdose létale. Pour faire simple, comme c’est le cas pour
toutes les substances, il est possible de consommer trop de cannabis. En ce
sens, une overdose est possible, mais une dose létale est extrêmement
compliquée à atteindre, voire impossible.
À quel point est-ce difficile d’atteindre cette dose ?
Eh bien, pour atteindre une telle dose, vous devrez fumer près de 680 kg (1
500 lb) de cannabis en seulement 15 minutes. N’essayez même pas de calculer
le nombre de joints que ça représente. Les effets de la fumée et du fait de
fumer si agressivement vous tueraient bien avant que ne le fasse le THC.
Vous pouvez ingérer une plus grande quantité de THC par le biais de
comestibles, car il n’y a pas de fumée impliquée, mais il y a plus de choses
à prendre en compte. Il vous faudrait encore consommer 50 grammes de THC pur
pour avoir 50 % de chance d’y rester si vous êtes un homme adulte. Même avec
le plus puissant des comestibles, c’est surement l’excès de sucre et de sel
qui vous tuerait.
J'ai un ami qui a trouvé qu'il était beaucoup plus facile de se sevrer du
cannabis que du sucre !
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