Je m’oppose à la légalisation de la marijuana parce qu’elle agit comme une drogue d’introduction

– Enrique Peña Nieto, président du Mexique (Voir note)

Le cannabis n'est pas une drogue d'introduction contrairement à l'alcool

Utiliser des preuves pour parler du cannabis

  1. Les preuves scientifiques suggèrent que l’usage du cannabis précède souvent l’usage de drogues illégales « plus dures » comme la cocaïne et l’héroïne (W. Hall, 2014). Toutefois, il n’existe aucune preuve qui suggère que l’utilisation du cannabis cause ou augmente le risque qu’une personne passe à la consommation d’autres drogues.
  1. Les scientifiques ont exploré d’autres explications pour lesquelles l’usage du cannabis tend à se produire avant l’usage de substances « plus dures ». Par exemple, les personnes qui consomment du cannabis pourraient avoir plus de chances d’utiliser d’autres drogues parce qu’ils ont pénétré dans un marché illégal qui présente le cannabis aux côtés d’autres drogues, ou parce que leur personnalité (p.ex. la recherche de sensations fortes, l’impulsivité) les rend plus propices à l’essai des drogues de façon générale (W. D. Hall et Lynskey, 2005). Peu importe la raison, les études n’ont pas été en mesure d’éliminer ces explications importantes possibles de façon convaincante et d’ainsi prouver que le cannabis agit comme une « drogue d’introduction ».
  1. Il est intéressant de noter qu’il a été démontré dans certains pays que l’usage d’alcool et de tabac est plus fortement lié à l’usage ultérieur d’autres drogues illicites que la consommation de cannabis (Degenhardt et autres, 2010).

État de la preuve

Les scientifiques ont discuté de l’affirmation voulant que le cannabis agisse comme une « drogue d’introduction » et l’ont testée de différentes manières dans différents contextes. À ce jour, les études ont démontré un appui relativement élevé pour le fait que l’usage de cannabis précède généralement l’usage d’autres drogues illégales. Toutefois, les études n’ont pas démontré que l’explication « d’introduction » est appuyée par les preuves scientifiques. Autrement dit, la recherche n’a pas établi de relation causale entre l’usage de cannabis et le risque accru d’utilisation de drogues « plus dures » comme la cocaïne et l’héroïne.

Degenhardt et ses collègues ont réalisé une étude pour tester la théorie de « l’introduction » à l’aide de données sur le début de l’usage d’alcool, de tabac, de cannabis et d’autres drogues illégales à partir d’un ensemble uniforme d’enquêtes épidémiologiques de 17 pays (Degenhardt et autres, 2010). Ces auteurs ont observé des variations à travers les pays et les cohortes quant à la force de l’association entre les substances dites « d’introduction » et l’usage d’autres drogues. Les auteurs ont donc observé, par exemple, que dans certains pays, l’usage d’alcool/de tabac était plus fortement lié à l’usage ultérieur d’autres drogues illicites que la consommation de cannabis. Ils ont également observé de soi-disant « infractions d’introduction », des tendances selon lesquelles les drogues illégales « plus dures » étaient utilisées avant le cannabis.

Bien que nous ne puissions pas dériver d’explications causales de cette étude, ces données jettent un doute sérieux sur les prétentions voulant que le cannabis soit une drogue « d’introduction », surtout lorsque l’on tient compte de différents contextes à travers le monde. Cela dit, la séquence ou l’ordre généralement observé pour l’usage de drogues, c.-à-d. l’alcool/le tabac avant le cannabis, et le cannabis avant d’autres drogues illicites, semble être réel avec quelques exceptions. Dans une synthèse, Hall (2014) a affirmé que l’ordre d’usage du cannabis et d’autres drogues illégales est l’une « des conclusions les plus uniformes dans les études épidémiologiques sur l’usage de drogues chez les jeunes adultes » (p. 7). Dans une autre synthèse, Volkow et ses collègues ont inclus certaines études utilisant des sujets animaux et observé des preuves que l’usage du cannabis peut préparer le cerveau pour « des réponses rehaussées à d’autres drogues » (Volkow et autres, 2014). Ces auteurs mentionnent toutefois que d’autres substances, comme la nicotine et l’alcool, ont été liées à des effets similaires. Il est important de noter que malgré ces conclusions, les auteurs de ces deux synthèses récentes (ainsi que de nombreux scientifiques travaillant sur ces questions) sont très prudents en ce qui concerne la validité de la théorie « d’introduction ». Les deux synthèses ont noté que les interprétations des données disponibles sur l’usage du cannabis et d’autres drogues ont fait l’objet de remises en question et qu’il existe de nombreuses interprétations pour la tendance générale d’usage de cannabis avant celui de drogues « plus dures ».

Hall et Lynskey ont souligné des tendances d’usage de drogues dans les études qui pourraient appuyer un rôle « d’introduction » pour le cannabis, mais ont aussi résumé les principales explications concurrentes pour ces tendances observées (Hall et Lynskey, 2005). Celles-ci comprennent :

  1. le cannabis et les autres drogues font partie du même marché de drogues illégales;
  2. certaines caractéristiques des utilisateurs de cannabis (p. ex. la prise de risques) expliquent les tendances pour le cannabis et les autres drogues (c.-à-d. les facteurs comme la santé mentale confondent la relation entre l’usage de cannabis et l’usage d’autres drogues); et
  3. l’usage du cannabis modifie le fonctionnement du cerveau d’une façon qui accroît la probabilité d’utilisation d’autres drogues.

Pour enquêter sur ces parcours potentiels, Morral et ses collègues ont construit un modèle statistique en s’appuyant sur les données d’enquêtes sur l’utilisation de drogues au sein de la population des États-Unis. Ils ont testé les données sur les risques, l’ordre et les relations de dose-réaction reliées à l’usage de cannabis et d’autres drogues. Bien qu’ils n’aient pas été en mesure de réfuter sans équivoque la théorie du cannabis comme « drogue d’introduction », ils ont néanmoins démontré « que les preuves primaires appuyant les effets d’introduction sont aussi cohérentes avec un modèle alternatif d’initiation de l’usage de drogue par les adolescents dans lequel l’usage de la marijuana n’a, en soi, aucun effet sur l’usage ultérieur de drogues dures » (Morral et autres, 2002).

Des études comme celles de Degenhardt et de ses collègues ont uniformément démontré qu’il y a peu d’exceptions à une relation d’âge à l’initiation (Degenhardt et autres, 2010). En d’autres mots, plus une personne essaie les drogues tôt, plus il y a de chances qu’elle utilise plus tard d’autres drogues. Une implication importante de cette observation est d’axer les efforts de prévention non plus tellement sur un type précis de drogue comme le cannabis, mais plutôt sur le risque de l’usage hâtif, puisque l’âge du début de la consommation semble avoir un impact plus important sur l’avenir des méfaits futurs reliés aux drogues dont une personne fera l’expérience comparativement à l’impact de l’usage de cannabis.


[NOTE] Rapporté dans le Washington Post. Visité le 6 mars 2015 en ligne : http://www.washingtonpost.com/blogs/worldviews/wp/2013/02/06/mexicos-pre...
Références
  1. Degenhardt, L., Dierker, L., Chiu, W.T., Medina-Mora, M.E., Neumark, Y., Sampson, N., Alonso, J., Angermeyer, M., Anthony, J.C., Bruffaerts, R., de Girolamo, G., de Graaf, R., Gureje, O., Karam, A.N., Kostyuchenko, S., Lee, S., Lépine, J.P., Levinson, D., Nakamura, Y., Posada-Villa, J., Stein, D., Wells, J.E., Kessler, R.C., 2010. Evaluating the drug use “gateway” theory using cross-national data: Consistency and associations of the order of initiation of drug use among participants in the WHO World Mental Health Surveys. Drug and Alcohol Dependence 108, 84-97.
  1. Hall, W., 2014. What has research over the past two decades revealed about the adverse health effects of recreational cannabis use? Addiction 110, 19-35.
  1. Hall, W.D., Lynskey, M., 2005. Is cannabis a gateway drug? Testing hypotheses about the relationship between cannabis use and the use of other illicit drugs. Drug and Alcohol Review 24, 39-48.
  1. Khazan, O., 2013. Mexico’s president opposes legalizing marijuana, calls it ‘a gateway drug’. Washington Post, Washington, D.C.