La légalisation/réglementation augmente la disponibilité du cannabis

Utiliser des preuves pour parler du cannabis
- Les preuves suggèrent que la prohibition n’a généralement pas réussi à réduire la disponibilité du cannabis. Aux États-Unis, la recherche indique que depuis 1990, le prix du cannabis a baissé alors que sa puissance a augmenté, malgré des investissements croissants dans les efforts de réduction de l’offre basée sur les actions policières (Werb et autres, 2013). Comme nous ne pouvons mesurer le marché illicite directement, ces indicateurs servent de marqueurs par procuration, qui suggèrent que l’offre en cannabis (et par extension sa disponibilité) a probablement augmenté.
- La disponibilité du cannabis telle que perçue par les jeunes est demeurée élevée nonobstant l’augmentation des budgets liés au contrôle des drogues. Au cours des 39 dernières années, de 81 % à 90 % des élèves américains de douzième année ont rapporté pouvoir obtenir du cannabis « assez facilement » ou « très facilement » (Monitoring the Future, 2014). De façon similaire, en Union européenne, une étude de 2014 indique que 58 % des jeunes de 15 à 24 ans croient qu’il serait assez ou très facile d’obtenir du cannabis dans les 24 heures (Commission européenne, 2014).
- En permettant aux gouvernements de fixer des restrictions relatives à l’âge légal, la réglementation stricte de marchés légaux pour le cannabis pourrait être plus efficace que la prohibition pour restreindre l’accessibilité du cannabis chez les jeunes (Rolles, 2009), comme cela s’est produit dans le cas du tabac (Johnston, O’Malley, Bachman et Schulenberg, 2012).
État de la preuve
Après plus de trois décennies de répression policière des drogues, rien ne prouve que la disponibilité du cannabis ait diminué. En effet, le contraire semble vrai. La disponibilité du cannabis illégal est difficile à quantifier, étant donnés les défis manifestes que représente l’évaluation de la taille et de la composition des marchés illégaux ainsi que le fait que la « disponibilité » est une variable qui est mal définie et qui l’est de façon non uniforme. Ainsi, les gouvernements, les forces policières et les experts du domaine ont priorisé l’usage de deux mesures, le prix et la pureté, pour évaluer les changements au sein des marchés des drogues illicites. En tenant pour acquis une demande constante, si le prix d’une drogue baisse et que sa pureté s’accroît, on imagine que l’offre a augmenté.
Les États-Unis constituent un bon cas de figure à cet égard. Les données suggèrent que l’usage du cannabis est demeuré relativement stable aux États-Unis (UNODC, 2014). En même temps, comme le démontre la figure 2, le prix du cannabis a chuté de façon importante aux États-Unis tandis que sa puissance a augmenté (Werb et autres, 2013a).
Ces tendances de prix et de puissance suggèrent que l’approvisionnement en cannabis illicite a submergé les efforts gouvernementaux pour réduire l’offre, et même que celle-ci a augmenté au cours de cette période étant donné que l’usage est demeuré relativement constant ou a augmenté (UNODC, 2014).
Il est important de noter que l’inefficacité des approches policières pour le contrôle de l’approvisionnement en cannabis aux États-Unis affecte particulièrement les jeunes. L’étude Monitoring the Future se penche annuellement sur l’usage de drogues et d’alcool chez les jeunes américains. Chaque année depuis le début de l’étude en 1975, plus de 80 % des élèves américains de 12e année (plus de 90 % certaines années) ont uniformément rapporté qu’il était « assez facile » ou « très facile » d’obtenir du cannabis (Monitoring the Future, 2014). De façon similaire, en Union européenne, une étude de 2014 indique que 58 % des jeunes de 15 à 24 ans croient qu’il serait assez ou très facile d’obtenir du cannabis dans les 24 heures (Commission européenne, 2014).
Ces données réunies suggèrent que le système de prohibition des drogues n’a pas réussi à réduire la disponibilité du cannabis, qui a été plus qu’en mesure de suivre le rythme de la demande. En contraste, notons qu’aux Pays-Bas, où le cannabis est de facto légalisé depuis des décennies, les taux d’usage du cannabis sont estimés à la moitié de ceux des États-Unis dans la période précédant la réglementation du cannabis par les États (20 % contre 42 %) (Degenhardt et autres, 2008), et qu’ils sont similaires ou en-deçà des taux d’usage des pays européens contigus (EMCDDA, 2015). Cela suppose que les politiques de répression relatives au cannabis ne mènent pas en elles-mêmes à de plus faibles taux d’usage.
En résumé, les preuves ne suggèrent pas que la disponibilité, l’approvisionnement ou l’usage du cannabis soient réellement contrôlés par la prohibition du cannabis, du moins pas au-delà d’impacts marginaux, localisés et temporaires. De plus, comme les systèmes réglementaires pour le cannabis récréatif n’ont que récemment été mis en œuvre au Colorado, dans l’État de Washington et en Uruguay, il est trop tôt pour savoir quels seront les effets à long terme de ces changements de politiques sur l’offre de cannabis. Il est cependant à noter que les approches de réglementation des drogues offrent aux décideurs une vaste gamme d’outils, notamment l’interdiction publicitaire, la taxation, les restrictions sur les autorisations et sur l’âge, qui ont réussi à limiter l’accès au tabac chez les jeunes (Gutierrez et Pardo, 2015; Johnston et autres, 2012).
Références
- European Commission, 2014. Young People and Drugs Flash Eurobarometer 401. Directorate-General for Communication, European Commission.
- Johnston, L.D., O’Malley, P.M., Bachman, J.G., Schulenberg, J.E., 2012. Monitoring the Future: Overview of key findings, 2011. Monitoring the Future. Institute for Social Research/National Institute on Drug Abuse, Ann Arbor.
- Monitoring the Future, 2014. Monitoring the Future: a continuing study of American youth. http://monitoringthefuture.org/data/data.html.
- Rolles, S., 2009. After the War on Drugs: Blueprint for regulation. Transform Drug Policy Foundation, London. p. 23
- Werb, D., Kerr, T., Nosyk, B., Strathdee, S., Montaner, J., Wood, E., 2013. The temporal relationship between drug supply indicators: an audit of international government surveillance systems. BMJ Open 3, 8.
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